L’IA, de la productivité à la mise en danger des relations inter-humaines

Le Général De Gaulle aurait sans doute dit, s’il avait vécu à notre époque, « il ne suffit pas de sauter sur sa chaise comme un cabri en criant ‘l’IA, l’IA, l’IA’ pour y trouver de la valeur ». Et il aurait eu raison. Même si l’intelligence artificielle est un facteur de compétitivité qui ne peut pas être ignoré, il ne s’agit d’y voir ni une puissance magique, ni une solution à tous nos problèmes. Et il ne s’agit pas non plus d’être aveugle devant ses risques ou ses dérives. Matthias Leridon a dirigé un ouvrage collectif qui vient d’être publié aux éditions Débats Publics qui vise précisément à prendre un peu de recul sur le sujet : « Intelligence artificielle, communication artificielle ? - Un décryptage inédit sur l’enjeu majeur du XXI^e siècle ». On y retrouve de nombreux contributeurs comme Marlène Schiappa ou Siddhartha Chatterjee. Le point de départ est la capacité de l’IA, finalement, à se substituer à l’humain pour communiquer avec l’humain, allant au-delà de la réussite du Test de Turing. Dans ce contexte, communiquons-nous toujours ? Les faits ont-ils encore un sens réel pour nous ?

L’ouvrage est composé de prises de position des différents contributeurs, enchaînées les unes aux autres. Il n’y a pas de série logique mais une multitude de points de vue qui se succèdent pour appréhender une révolution. Certains sont réellement enthousiastes (parfois presque naïfs) ou témoignent des apports concrets à la productivité et à la création de valeur dans leur entreprise, d’autres avertissent des risques (y compris sur la consommation d’énergie par exemple), des dangers, des limites et des dérives tout en soulignant les apports de cette famille technologique. Au fil des articles, on s’interroge aussi sur la place de l’être humain quand sa pensée est singée par la machine ou sur le sens même de « communication » quand l’un (demain, les deux ?) des locuteurs est une machine. Evidemment, la désinformation massive grâce à l’IA est évoquée mais, malheureusement, juste évoquée ici ou là.

L’ouvrage a la limite normale de tout ouvrage compilant des points de vue : on en ressort un peu frustré de ne pas disposer d’une sorte de synthèse ou d’enseignement, d’autant plus qu’il n’y a pas de fil conducteur à l’enchaînement des articles. Certes, on peut toujours demander à ChatGPT de créer cette synthèse… De même, la technologie est la grande absente : on parle ici d’usage, d’impact social, pas de ce qu’est l’IA au sens technique. Mais, en miroir, l’intérêt de l’ouvrage est précisément dans cette compilation de « dits d’experts » très variés dans leurs profils, leurs préoccupations et leurs appréhensions du sujet. Et c’est donc au lecteur de faire preuve d’un peu d’intelligence naturelle pour réellement extraire la substantifique moelle de chaque contribution dans son propre contexte.