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Bernard Gavgani (BNP Paribas) : « en 2025, la quasi-totalité de notre offre IT sera sur marketplace »

Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance

Cet article est référencé dans notre dossier : Les 15 interviews les plus lues en 2023

Group CIO de BNP Paribas, Bernard Gavgani détaille ici sa vision de l’IT bancaire compte tenu des impératifs réglementaires. Dans le secteur bancaire, investir sur les valeurs sures ne signifie pas renoncer à l’innovation, bien au contraire.

Bernard Gavgani est Group CIO de BNP-Paribas - © Républik IT / B.L.
Bernard Gavgani est Group CIO de BNP-Paribas - © Républik IT / B.L.

Aujourd’hui, que représente le groupe BNP Paribas ?

BNP Paribas est la première banque de l’Union européenne et  un groupe international constitué de trois pôles opérationnels : « Commercial, Personal Banking & Services », qui regroupe nos banques commerciales et nos métiers spécialisés comme le leasing, le crédit à la consommation, Arval pour les flottes de véhicules et les solutions de mobilité ; « Investment & Protection Services » regroupe nos solutions d’épargne, d’investissement et de protection et enfin « Corporate & Institutional Banking » pour accompagner nos clients grandes entreprises et Institutionnels.   

Le Groupe rassemble près de 190 000 collaborateurs, dont 38 000 dédiés à l’IT, dans 65 pays. Aujourd’hui, parmi les équipes IT, 29 % sont des collaboratrices et l’objectif est d’atteindre 35 % d’ici 2025, notamment avec le recrutement de 1000 femmes.

Rencontrer Bernard Gavgani

Bernard Gavgani sera le Grand Témoin du Club Disruptor du 6 avril 2023 « Innovation vs Legacy : de la confrontation à l’interopérabilité ». Informations et inscription ici

Et comment est organisée la DSI, justement ?

Notre organisation est centralisée avec des délégations locales.  La stratégie de la DSI est définie globalement. La production, la cybersécurité et la gouvernance sont gérées en central. Les DSI locaux sont rattachés à la DSI, soit fonctionnellement, soit hiérarchiquement et travaillent avec le département IT de BNP Paribas pour déployer des solutions informatiques fiables, robustes et sécurisées dans leurs entités ou filiales. Les investissements technologiques visent à continuer d’améliorer l’expérience de nos clients et collaborateurs et à renforcer notre performance opérationnelle.

La stratégie est définie selon un processus de codécision entre le patron métier et la DSI Groupe.

Quels sont vos grands choix d’architecture IT ?

Notre histoire est faite d’une succession d’acquisitions. Un enjeu a été, au fur et à mesure, d’intégrer les différents SI. Aujourd’hui, il existe deux grands mondes : le mainframe et les systèmes ouverts. Les deux évoluent selon les besoins des utilisateurs. A chaque fois, nous devons aligner le service rendu sur le besoin métier en tenant compte des technologies disponibles sur le marché.

Contrairement à ce que beaucoup croient, le mainframe est une technologie qui évolue de façon constante, bien que l’on en parle peu. Notre core-banking fonctionne principalement sur mainframe et nous évaluons ce qui doit ou non en sortir en lien avec notre stratégie et les opportunités technologiques.

Nous traitons cependant systématiquement l’obsolescence.

Par ailleurs, les systèmes ouverts comprennent les machines locales (on premise) et le cloud. Nous avons mis en place des serveurs virtuels à partir de 2012-2013 et, depuis 2019, le Groupe opère sur un système d’information hybride avec le cloud privé et le cloud dédié créé sur la technologie d’IBM.

Cela a pu surprendre au début. Et puis l’évolution de la réglementation nous a donné raison.

L’urbanisation s’appuie sur l’harmonisation et la modernisation IT implique des infrastructures mutualisées entre toutes les entités de BNP Paribas afin que les solutions IT mises en place au sein du groupe soient conformes avec les différentes réglementations dans le monde, mais également sûres, cohérentes, interopérables, flexibles et résilientes.

Durant la crise sanitaire Covid-19, nous avons déployé 210 000 PC unifiés. Un programme initié par BNP Paribas et déployé par l’IT du Groupe a entre autres permis d’homogénéiser l’ensemble du réseau et postes de travail des collaborateurs dans tous les pays où la banque est présente. Ensuite, le support est géré localement. Nous avons créé des kiosques dans nos locaux, avec des techniciens bien identifiés, pour aider les collaborateurs dans leurs usages. Nous sommes dans une logique de symétrie des attentions entre clients et employés car des collaborateurs qui bénéficient du bon support peuvent à leur tour assurer le meilleur service pour leurs clients.

IT Night

Bernard Gavgani fait partie du jury de l’IT Night et sera donc amené à juger des projets présentés aux Trophées de cette soirée. Plus d’informations sur l’IT Night

Comment innovez-vous dans ce contexte ?

L’enjeu est le partage. Nous avons développé une place de marché, l’IT Marketplace, qui rassemble l’ensemble des produits IT issus des différentes plateformes techniques existantes. Celle-ci permet de mettre à disposition les environnements à la demande, de proposer notre catalogue de produits et services et de publier la documentation avec mise en relation possible avec le product owner de l’application.

Les utilisateurs eux-mêmes évaluent les produits et peuvent faire part de leurs retours pour permettre aux product owner de les optimiser. L’IT Marketplace de BNP Paribas vise à optimiser la consommation des services IT par l’accès à un marché IT unifié. D’ici 2025, la quasi-totalité de l’offre IT sera sur l’IT Marketplace de BNP Paribas.

Nous présentons aussi sur cette interface toutes les innovations IT, y compris celles qui n’ont pas abouti. Le but est de tirer des enseignements en expliquant notamment ce qui a été fait, pourquoi ça ne convenait pas et l’innovation reste malgré tout disponible si d’autres cas d’usages se présentent.

Enfin, la place de marché propose également des formations, d’abord pour les informaticiens et désormais aussi pour les utilisateurs finaux.

BNP Paribas est un groupe ayant une taille certaine, donc forcément une certaine bureaucratie. Comment parvenez-vous, dans le cadre de votre innovation, à travailler avec des start-ups ?

BNP Paribas est un acteur industriel régulé sur tous les continents, pour autant nous avons une forte démarche de cocréation avec l’écosystème des startups et des fintechs. L’innovation est au cœur de nos enjeux puisqu’elle est un moyen de garantir une expérience client fluide, rapide et sécurisée.  Les initiatives sont décidées dans des comités associant le métier concerné et l’IT. L’IT est très vite dans le processus notamment pour tester les démonstrateurs  et anticiper le passage à l’échelle.

Que reste-t-il de la crise sanitaire Covid-19 ?

Les outils collaboratifs facilitent grandement la collaboration entre nos employés situés dans des services différents. Par exemple, il est possible, en rendez-vous client, de contacter un expert d’un autre métier pour avoir des informations sur d’autres produits.

Vous avez parlé de contraintes réglementaires. Mais quel est, aujourd’hui, le poids du régulateur ?

Dans la relation avec les régulateurs, il y a surtout besoin de transparence. Aujourd’hui, les régulateurs nous aident à progresser car leur rôle va bien au-delà du contrôle de ratios financiers. Ils nous aident à travailler sur la résilience IT par exemple, notamment par des exercices.

Vous avez mis en place du SDWAN pour vos agences mais avez-vous adopté l’approche SASE en y associant la cybersécurité ?

Le SDWAN est déployé dans le réseau d’agences françaises de BNP Paribas depuis 2020 et permet au groupe de bénéficier d’un socle technologique flexible en exploitant par exemple les fonctionnalités de routage intelligent et permet, grâce à la virtualisation de l’accès au réseau, d’intégrer d’autres technologies tout en garantissant la continuité de service.

La cybersécurité est une couche de contrôle par-dessus avec le DLP, le SOC, etc.

Pour assurer la sécurité des données de nos clients, nous ne mettons pas leurs informations dans le cloud public. Nous savons exactement où sont les données, les applications, etc. Et tout est protégé et chiffré en permanence.

Comment est organisée la fonction sécurité du système d’information ?

Les responsables me rapportent mais ils sont autonomes par rapport aux directions IT opérationnelles. Les CISO - Chief information security officer - locaux rapportent au CISO Groupe qui me rapporte. Il y a un budget propre, des projets propres… mais les choix techniques sont validés au niveau de la DSI Groupe.

La guerre des talents est-elle une difficulté particulière quand on a un SI avec un mainframe ? Comment gérez-vous les départs à la retraite ?

Pour conserver les talents, il faut savoir les rémunérer correctement mais cela ne suffit pas !

Nous formons et nous accompagnons nos collaborateurs dans l’acquisition de nouvelles compétences, y compris sur le mainframe.  Sur les 38 000 collaborateurs de la DSI, le mainframe n’en concerne que 3000

C’est pour cela que sur ce sujet, nous avons créé un centre de formation à Paris, avec d’autres banques. Et plus largement, l’offre de formation IT de BNP Paribas permet de développer et renforcer ses compétences sur les sujets IT, Cyber, Tech, Data et Agile. Nous veillons par ailleurs à sensibiliser et encourager les lycéens à développer leurs compétences dans la tech par exemple au sein d’organisme de formations comme le programme P-Tech. Pour l’anecdote les quatre étoiles présentes sur notre logo représentent la réactivité, la créativité, l’engagement et l’ambition. Cela se reflète bien au sein de notre département IT : nos ITciennes et ITciens peuvent monter en compétence dans un environnement international et travailler avec différents métiers pour contribuer à définir les nouveaux produits et nouvelles façons de consommer la banque.

Podcast - Bernard Gavgani (BNP-Paribas) : « le mainframe n’est pas obsolète »

Contrairement à ses homologues de beaucoup d’autres entreprises, y compris bancaires, Bernard Gavgani, Group CIO de BNP Paribas, assume la présence du mainframe dans le SI du Groupe. En la matière, il explique pourquoi sortir du mainframe doit être justifié. D’autant que le mainframe, loin d’être obsolète, continue d’évoluer. Bernard Gavgani explique aussi comment il maintient les compétences nécessaires.


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