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Alain Larousse (Suez) : « nous gardons la capacité d’écouter le terrain tout en globalisant »

Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance

Le groupe Suez est au coeur des enjeux environnementaux actuels du monde tout en connaissant bien des révolutions internes. Alain Larousse, DSI groupe de Suez, explique ici comment le groupe relève ses multiples défis et quelle est sa stratégie numérique.

Alain Larousse est DSI groupe de Suez - © Républik IT / B.L.
Alain Larousse est DSI groupe de Suez - © Républik IT / B.L.

Aujourd’hui, que représente le groupe Suez ?

Suez est aujourd’hui un groupe qui réalise un chiffre d’affaires de neuf milliards d’euros grâce à 40 000 collaborateurs dans 40 pays.

Nous avons deux grandes activités : l’eau (production d’eau potable et gestion de l’assainissement) et les déchets (collecte et traitement notamment sous ses nouvelles formes que sont le recyclage et la valorisation). Le groupe a également trois activités transverses : dans le domaine de l’ingénierie et de la construction d’infrastructures, en matière de R&D et d’innovation ainsi que dans le digital.

Depuis janvier 2022, nous avons une nouvelle approche stratégique avec l’ambition de devenir le partenaire de référence pour les solutions circulaires dans le domaine de l’eau et des déchets. Cela se traduit dans notre signature : « Creating cycle for life ». Sur nos deux marchés, on passe aujourd’hui d’une logique linéaire (extraction de ressources naturelles, transformation, consommation, élimination des déchets) à une approche circulaire en boucles, sous forme de matières ou d’énergie si l’on prend le cas des déchets. Dans des pays émergents, là où nous sommes implantés, nous améliorons les standards de vie en installant dès l’origine une approche par cycle, en permettant par exemple le recyclage.

En rejoignant Suez, j’ai été marqué par la passion qui anime les collaborateurs. Les salariés vivent leur métier comme une mission au service de l’humain et de la planète.

Le nouveau Suez

La Compagnie Universelle du Canal Maritime de Suez a été créée en 1858 par Ferdinand de Lesseps pour percer et exploiter le Canal de Suez. C’est l’origine (lointaine) de l’actuel groupe Suez au fil d’une histoire complexe. Suite à la nationalisation du Canal de Suez et au versement d’indemnités associées, la compagnie est devenue Compagnie Financière de Suez dont l’entité bancaire participera à la création de la Banque Indosuez (aujourd’hui Indosuez Wealth Management dans le groupe Crédit Agricole). La fusion avec la Lyonnaise des Eaux (auparavant Société Lyonnaise des Eaux et de l’Eclairage, S.L.E.E., fondée en 1880) a abouti au Groupe Suez.

En 2008, ce groupe a fusionné avec GDF (Gaz de France) et est devenu Engie. Les activités « eaux et environnement » ont été alors filialisées dans Suez Environnement qui a pris son indépendance et cette filiale a été ensuite renommée Suez en 2015.

Son grand rival, le groupe Veolia, a mené une OPA en 2021 et, pour éviter des situations anticoncurrentielles, a dû revendre un certain nombre d’activités qui sont venues constituer le « nouveau Suez ». Cette société a été rachetée par GIP (40 %), Meridian (40 %) et Caisse des Dépôts et Consignation / CNP Assurances (20 %). Veolia a ainsi conservé les activités de l’ancien Suez aux Amériques, en Espagne, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique, au Moyen-Orient… Les activités en France, Italie, République Tchèque, Inde, Australie, Chine, Sénégal, Maroc, Afrique du Sud… sont, elles, restées au sein du « nouveau Suez » ainsi que certaines activités au Royaume-Uni.

Comment est organisée la DSI ?

Nous avons redéfini l’organisation de la DSI en même temps que l’organisation générale de l’entreprise. La DSI centrale couvre d’un côté la DSI France et de l’autre, l’international, les infrastructures mutualisées, la cybersécurité et l’implémentation de Microsoft Office 365.

Nous mettons en place une gouvernance globale et une mise en commun croissante des expertises tout en gardant la capacité à écouter le terrain.

Dans les pays où notre activité est importante, nous gardons une forte empreinte locale. Dans les pays moins importants avec moins de sites, nous nous appuyons autant que possible sur les capacités d’ « industrialisation » au niveau du groupe. Le catalogue de services offerts par la DSI peut varier d’un pays à l’autre car les enjeux ne sont pas les mêmes. Même s’il peut y avoir des différences de déploiement, nous avons cependant besoin de créer un catalogue de services mondial. La Chine est un cas à part avec un catalogue de services propre.

Dans la plupart des pays, nous avons SAP S/4Hana comme ERP. Faire de la convergence pour de la convergence n’est pas pertinent :, c’est à la fois long, avec un retour sur investissement d’au moins cinq-six ans, le risque de nombreux retards, des surcoûts et des perturbations du business. Pour un projet, d’une manière générale, nous cherchons toujours à satisfaire un objectif métier. C’est pourquoi nous ne réalisons jamais de convergence limitée à la seule IT : les économies sur la seule IT ne justifient jamais un tel projet.

Qu’est-ce que le « nouveau Suez » a changé pour l’IT ?

Le groupe s’est doté d’une nouvelle stratégie qui se décline notamment dans le domaine de l’IT et du digital. Nous avons renforcé nos investissements dans ce domaine, notamment dans le domaine des déchets. Dans celui-ci, il y a un vrai renouveau de la chaîne de valeur, avec un métier qui devient de plus en plus technologique

Quand nous gagnons des projets, nous avons souvent besoin de multiplier les innovations. Nous nous appuyons sur la data pour donner aux clients la photographie la plus juste possible de la réalité. Cela nous permet par exemple de pouvoir les conseiller sur le plan d’investissement et de maintenance d’un réseau d’eau sur cinq à six ans. En interne, nous nous appuyons aussi sur la data pour accroître notre propre performance. Dans le traitement des déchets, nous optimisons les flux pour diminuer la part envoyée en décharge et accroître celle envoyée en tri et recyclage. Sur les nouvelles unités de production avec tri et recyclage des plastiques, il y a besoin d’une informatique industrielle perfectionnée en plus de l’informatique de gestion.

Comment est structuré votre SI actuel ?

Nous avions déjà du cloud sur Azure et AWS en plus de sept datacenters en région parisienne. Nous sommes actuellement en train d’éteindre nos datacenters et de réaliser une double migration cloud.

D’une part, les éditeurs de logiciels poussent de plus en plus vers le SaaS, ce qui leur permet d’augmenter leur valeur et d’éviter d’avoir à traiter de l’obsolescence. Concrètement, nous avons d’ailleurs de moins en moins le choix entre SaaS et on premise. Les éditeurs annoncent de plus en plus fréquemment des fins de maintenance sur les versions on premise des logiciels et forcent de fait à basculer vers le SaaS.

D’autre part, nous migrons nos datacenters vers du IaaS.

Nous sommes persuadés que cette double migration vers le cloud nous facilite l’innovation. En particulier, le cloud permet de tester quelque chose et de l’arrêter si cela ne donne pas satisfaction. Mais le cloud doit garantir une variabilité effective des coûts et le SaaS doit rester ouvert via des API et sur des infrastructures de confiance. Le TCO du cloud est toujours inférieur à celui d’un double-datacenter. Il n’y a aucune hésitation à avoir.

Malgré tout, avec la cloudification, les risques liés aux tiers augmentent. En négociation, il est très compliqué d’avoir de bonnes conditions. Il faut toujours veiller à garer des leviers de décision. Le SaaS bien géré amène une baisse des factures d’infrastructures et une hausse raisonnable du coût applicatif. Le coût total de possession de ressources sur AWS sera toujours inférieur à celui d’un double datacenter et ce sera toujours mieux.

Enfin, la cybersécurité est très importante pour nous car, lorsqu’il s’agit de biens essentiels comme l’eau potable, nous devons garantir une continuité de service et être des partenaires de confiance. Si personne n’est à l’abri d’un incident, nous faisons de la cybersécurité un élément clé de notre qualité de service.

Suez, grand témoin du Club Data Onboard du 6 septembre 2023

Guillaume Jacquet, Head of Data Factory chez Suez. - © D.R.
Guillaume Jacquet, Head of Data Factory chez Suez. - © D.R.

Le Club Data Onboard #4 « Data Mesh : pour une donnée agile, fiable et partagée » aura comme grand témoin Guillaume Jacquet, Head of Data Factory chez Suez. L’approche en datalake centralisé a ses faiblesses. L’architecture data mesh repose sur des gestions de données réparties, entre les mains des propriétaires des données (les métiers) qui en sont responsables (création, correction, destruction…), mais les données sont malgré tout fédérées et partagées entre tous (sous réserve des droits d’accès accordés).

Un Club Data Onboard est un diner-débat élitiste et confidentiel (aucun compte-rendu) qui permet aux Chief Data Officers de grandes entreprises de pouvoir échanger librement et de manière disruptive, sans langue de bois et « off the record ». 

Informations et inscriptions sur ce club.

Votre métier concerne l’environnement au premier chef. Du coup, avez-vous une politique Green-IT particulière ?

Nous avons une politique de Green IT complètement alignée avec notre feuille de route Développement Durable. Il va de soi, en effet, que l’IT doit contribuer à cette feuille de route sur le plan à la fois de la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi dans le domaine de la préservation de la biodiversité ou de l’impact social.

Mais la partie de notre empreinte la plus compliquée à réduire, c’est le service à l’utilisateur final, que l’on parle des terminaux ou de l’impression notamment. Les terminaux eux-mêmes, en termes de matériels, constituent la part majeure de notre empreinte. Notre politique est donc d’allonger la durée de vie des matériels et d’en réduire le nombre (y compris en recourant au BYOD afin d’éviter la duplication, par exemple, d’un smartphone personnel avec un smartphone professionnel).

Nous aimerions que les grands utilisateurs collaborent davantage, en particulier pour lutter contre l’obsolescence programmée.

La guerre des talents vous concerne-t-elle ?

Elle concerne tout le monde ! Notre plan RH tient compte de cet environnement et vise à former et développer les compétences. Le développement du SaaS et, plus généralement, du Cloud accroît la capacité à intégrer dans les équipes IT des personnes issues du métier.

Notre politique RH doit être globale, intégrant aussi bien les stages, la mobilité interne, l’internationalisation positive…

Quels sont vos autres défis ?

Le principal défi est toujours dans l’optimisation du soutien dans les fonctions support aux opérations. Nous ne sommes jamais assez à l’écoute du business. Nous devons être à la fois des offreurs d’opportunités et à l’écoute des désirs, dans le cadre d’une relation de grande proximité. Le catalogue de services ne peut qu’évoluer avec le développement de la robotisation et de l’IA. L’IT est en mouvement perpétuel.

La DSI doit assurer une veille active et savoir transformer les opportunités en innovations.

Podcast - Suez : de l’IT4Green au Green-IT

Après avoir rappelé les deux activités majeures du groupe Suez, la gestion de l’eau et celle des déchets, Alain Larousse, DSI groupe de Suez, explique pourquoi IT4Green et Green-IT sont importants pour le groupe. L’IT permet ainsi d’optimiser la performance environnementale et opérationnelle de Suez. Et l’IT elle-même est optimisée sur son empreinte environnementale. Le point restant à traiter concerne un gros chapitre : les terminaux utilisateurs.