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Frédéric Riou (Biogaran) : « je n’aime pas les cahiers des charges ! »

Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance

DSI du laboratoire pharmaceutique Biogaran, Frédéric Riou explique sa stratégie et ses approches parfois iconoclastes.

Frédéric Riou est DSI du laboratoire pharmaceutique Biogaran. - © Républik IT / B.L.
Frédéric Riou est DSI du laboratoire pharmaceutique Biogaran. - © Républik IT / B.L.

Pouvez-vous nous présenter Biogaran ?

Nous sommes un laboratoire spécialisé dans les médicaments génériques leader du marché en France. Deuxième laboratoire pharmaceutique en France en volume, nous distribuons 350 millions de boîtes par an, avec un millier de médicaments à notre catalogue. Filiale à 100 % du groupe Servier, notre chiffre d’affaires est supérieur à 900 millions d’euros par an. Nous sommes 500 collaborateurs répartis entre le terrain et le siège situé à Colombes en Ile de France. En plus du médicament générique, nous sommes présent sur les médicaments biologique similaires (biosimilaires), l’OTC (« over the counter », automédication), les soins des plaies et les vaccins.

Le marché du médicament générique est très concurrentiel et nos concurrents sont des géants internationaux. Nous avons donc une approche différente : nous n’avons aucune usine en propre mais nous faisons travailler environ 200 façonniers en Europe et 50 % de notre production est faite en France. et nous générons ainsi 9000 emplois indirects en France. Nos clients, ce sont les pharmacies : 12 000 officines sur les 22 000 en France.

Le médicament générique est bien sûr un marché très régulé. En France, le prix du médicament est parmi les plus bas d’Europe, d’où les pénuries actuelles causées par l’augmentation du prix de production (notamment à cause du prix de l'énergie}.

Comment est organisée votre IT ? Êtes-vous liés à celle de votre maison-mère ?

En tant que DSI, je suis membre du comité de direction de Biogaran. Notre IT est indépendante de celle de notre maison mère, le Groupe Servier, même s’il peut arriver que nous utilisions des ressources communes dans une logique de mutualisation. Par exemple, nos solutions OnPremise sont ainsi hébergées dans une infrastructure Servier.

Notre Move-to-cloud a été lancé il y a environ cinq ans. En effet, pour être toujours au plus près des attentes du marché, il faut demeurer au maximum flexible. Quand je dis « Move-to-cloud », il serait plus juste de dire « Move-to-SaaS ». C’est en effet plus pertinent pour déployer des solutions destinées aux métiers même quand ils n’ont pas encore imaginé le problème auquel nous répondons.

Comment se caractérise votre SI ?

Notre SI repose sur quatre socles en dehors de la bureautique (Microsoft Office 365).

Nous disposons, pour commencer, de l’ERP SAP ECC 6 sur Hana hébergé chez Oxya. Nous avons le projet d’une migration vers S/4. Notre CRM Selligent est actuellement en cours de migration vers Salesforce pour être réellement omnicanal. Pour nos datas, nous avons opté pour les technologies de Google, intégrées les unes aux autres, du stockage à l’analytique (y compris Big Query). Enfin, nous avons un socle pharmaceutique pour couvrir nos obligations réglementaires à base de Saas (Harris Global et Argus d’oracle) solutions auditables par les autorités.

Chaque socle dialogue avec les autres et avec nos partenaires.

Vous parlez d’un socle data mais de quelles données disposez-vous ?

Nous ne disposons pas de données de santé (en dehors de la pharmacovigilance). Ce sont donc essentiellement des données de marché et commerciales que nous manipulons.

Et la cybersécurité ?

Evidemment, c’est un sujet important. En collaboration avec le groupe, nous avons une approche très méthodique pour faire face au risque cyber … Même si nous n’avons, par nature, aucune donnée de R&D, nous avons une vigilance particulière en matière d’espionnage.

Est-ce que la digitalisation est un sujet pour vous ?

Bien sûr ! C’est à la fois clé et passionnant. Nous sommes une petite équipe chez Biogaran. Le digital est donc pour nous essentiel pour soutenir notre stratégie de diversification.

Tout d’abord en interne, la digitalisation vise à améliorer l’efficacité des collaborateurs, leur faire gagner du temps pour qu’ils puissent se concentrer sur leur talent et générer davantage de valeur ajoutée. Elle nous sert également à fidéliser nos clients pharmaciens via des services accessibles via notre extranet client. Et nous développons des services commercialisables pour accroître notre périmètre business. Par exemple, nous travaillons sur un projet de gestion de l’approvisionnement des pharmacies. Grâce aux données de ventes disponibles et à une IA pour définir des prévisions, nous pourrons proposer un approvisionnement automatique au pharmacien. Etant donné que les pharmacies n’ont en général qu’un seul fournisseur de génériques, c’est un service qui a une vraie valeur pour les officines afin d'être assurées d'être livré avec les bonnes quantités au bon moment.

Nous ne parlons plus de transformation digitale pour Biogaran mais d’accélération digitale.

Le recrutement et la gestion des talents sont-ils problématiques pour vous ?

Nous avons surtout besoin de talents à l’aise dans cet environnement très dynamique. Nous sommes 16 collaborateurs au sein de la DSI. De fait, nous avons la nécessité de travailler en transversal, de bousculer ce qui est établi.

Pour recruter, nous mettons en avant plusieurs axes. D’abord, nous proposons un superbe terrain de jeu et une grosse autonomie pour apporter des solutions, être un véritable business partner. Nous tenons aussi à une vraie stimulation interne. Enfin nous recrutons avec une vraie diversité de profils : des anciens du métier, des ingénieurs juniors, des personnes reconverties, des seniors (dont un ancien enseignant retraité qui a travaillé trente ans sur la data !). Grâce à cette diversité, nous avons une quasi-parité hommes/femmes dans l’équipe.

Quels sont vos défis du moment ?

D’abord, il nous faut accompagner l’entreprise dans sa diversification et ses défis métiers.

D’un point de vue plus IT, nous avons la migration du CRM actuellement en cours et vers S/4 l’an prochain. Enfin, nous déployons actuellement une data platform pour soutenir des projets sources de véritable valeur.

Podcast - L’approche de l’IT sans cahier des charges a des conséquences sur les profils recrutés

Biogaran est un laboratoire pharmaceutique français spécialisé dans les médicaments génériques. Son DSI Frédéric Riou revient ici notamment sur sa défiance vis-à-vis des cahiers des charges qu’il considère comme générateur de trop de spécifiques avec beaucoup de gâchis d’énergie. Ce choix a des impacts sur le profil des collaborateurs recrutés.