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Christophe Vaudable (PVCP) : « en IA comme ailleurs, il faut éviter les labs qui tournent en rond »

Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance

Christophe Vaudable, chief data officer du groupe Pierre & Vacances Center Parcs, explique ici sa stratégie et ses défis, comme l’ajout des données environnementales à un SI orienté clients.

Christophe Vaudable est chief data officer du groupe Pierre & Vacances Center Parcs. - © Républik IT / B.L.
Christophe Vaudable est chief data officer du groupe Pierre & Vacances Center Parcs. - © Républik IT / B.L.

Pouvez-vous nous présenter groupe Pierre & Vacances Center Parcs ?

Le groupe a cinq marques et activités.

Tout d’abord, bien sûr, Pierre & Vacances qui opère aujourd’hui pour des institutionnels des résidences de tourisme, davantage que l’activité historique de promotion immobilière. Nous avons adopté un modèle « asset light ». Nous gérons environ 300 résidences.

Center Pars, c’est bien sûr une enseigne de parcs bien connus associant les loisirs nautiques et autres à des séjours en nature avec un logement familial.

Maeva est une plate-forme de location d’hébergements proposés par des tiers.

Nous avons aussi les appart’hôtels Adagio, des résidences meublées en centre-ville plutôt destinée aux déplacements professionnels.

Enfin, nous avons les résidences services non-médicalisées pour seniors Senioriales.

Nous avons un chiffre d’affaires de 1,9 milliard d’euros et nous sommes présents en France, Espagne, Belgique, Pays-Bas, Allemagne et Danemark avec environ 15 000 collaborateurs.

Comment est organisée la fonction data ?

La fonction data est rattachée à la DSI.

Nous essayons de respecter autant que possible le fonctionnement de chaque marque et sa stratégie, y compris dans les datas. Pour des raisons de conformité réglementaire (RGPD…), les données clients et les CRM sont d’ailleurs gérées indépendamment par chaque marque. Et ce même si, évidemment, il existe des outils de consolidation groupe pour le reporting.

Du point de vue plateformes techniques, nous tentons au maximum de les mutualiser.

Et de quelles données disposez-vous ?

Notre logique est client-centric et nous faisons en sorte que tout tourne autour de la data client. Il s’agit donc avant tout des données sur les clients eux-mêmes, les données de réservation et les données des enquêtes de satisfaction. Notre objectif est de décliner autant que possible nos actions en micro-segmentation.

Bien évidemment, nous avons désormais à réaliser du reporting extra-financier, notamment RSE, et nous avons des obligations de réduction d’empreinte environnementale. Pour atteindre nos objectifs, il faut commencer par mesurer avant d’agir.

Dans l’avenir, il y aura sans doute des données de BIM mais ce n’est pas encore d’actualité.

Quels outils utilisez-vous pour traiter ces données ?

Tout est cloudifié. Nous exploitons nos données essentiellement avec Google Cloud Platform (GCP) et ses outils (Big Query…). Mais nous veillons aussi à utiliser au maximum des technologies open-source (Kubernetes…) pour rester indépendants. Par exemple l’outil open-source de DBT nous permet de transformer la donnée (agrégats, garantie de qualité…) et Airflow de gérer et orchestrer les flux de données.

Pour notre CRM, nous utilisons Adobe Campaign en SaaS.

Nous analysons les verbatims de clients par IA avec la solution de gestion de nos enquêtes de satisfaction Medallia. Les verbatims sont d’ailleurs exportés et réutilisés autant par la fonction data que par les métiers.

Justement, quels usages réalisez-vous avec ces données ?

Evidemment, nous avons des usages de type reporting/BI. Nous procédons aussi à de l’analyse comportementale sur le site web.

Mais l’essentiel concerne la connaissance client et le marketing, notamment via l’hypersegmentation. Nous analysons le taux d’attrition, les ré-achats, les retours clients… En piochant dans les verbatims clients, on peut remonter du témoignage intéressant à envoyer à une clientèle similaire à l’auteur. Par exemple, si un client en couple avec deux enfants commente un hébergement et explique les raisons de sa satisfaction, son commentaire peut avoir de l’intérêt pour les prospects en couple avec deux enfants.

Pour vous, l’IA est-elle surestimée ou bien est-elle utile ?

L’intelligence artificielle est sans aucun doute possible utile. Mais il faut trouver les bons cas d’usage. Nous devons encore progresser sur la courbe d’expérience.

Et, en IA comme ailleurs, il faut éviter les labs qui tournent en rond, qui ne fonctionnent que pour eux-mêmes. Cependant, il peut être utile de mettre en place ce que je nomme des « cas d’usage vitrines » qui peuvent parfois faciliter l’apprentissage des technologies par les équipes.

Quels sont vos grands projets actuels ?

Je citerai deux sujets principaux.

Le premier, c’est autour de la personnalisation client. Créer des micro-segments, c’est bien. Mais cela implique de démultiplier les contenus pour s’adresser spécifiquement à chaque micro-segment. Un client, chez nous, c’est 180 critères avec, pour chaque critère, en général quatre à cinq valeurs possibles. Il est donc indispensable d’automatiser la production de contenus. Le recours à l’IAG s’impose donc.

Deuxièmement, nous construisons une data produit. Nous devons passer d’une organisation orientée technicité à une organisation en équipes pluridisciplinaires pour que chacune produise des solutions sous forme de produits. Cela nécessite de la réorganisation, d’identifier les produits et de mettre en place les bonnes procédures. Après l’élimination de la dette technologique, il s’agit là de la deuxième phase de notre transformation.

Enfin, quels sont vos défis pour les mois et années à venir ?

Le principal, c’est la gestion de la data énergétique. Aujourd’hui, il y a beaucoup de traitements manuels. Demain, il y aura beaucoup plus d’IoT comme des sous-compteurs (eau, énergie…) et nous aurons donc des enjeux de collecte de toute cette donnée puis de traitement de celle-ci.

En deuxième lieu, je vais évoquer le self-care. Comment va-t-on mieux ouvrir notre environnement aux utilisateurs finaux pour qu’ils soient plus autonomes ?

Enfin, je dois citer la monétisation des données. Il ne s’agit bien sûr pas de vendre de la donnée client à des tiers mais de valoriser la donnée obtenue par les contacts clients. Par exemple, qu’un client sache ce qui a plu aux familles similaires à la sienne dans tel cottage a évidemment une valeur.

Podcast - Pierre & Vacances Center Parcs ajoute aux données clients les datas environnementales

Après avoir rappelé les activités de Pierre & Vacances Center Parcs, Christophe Vaudable, chief data officer du groupe, rappelle comment le groupe avait centré ses données autour des clients. Il explique ensuite comment le sujet de l’impact environnemental, ô combien important dans un groupe touristique, a imposé une refonte de l’approche data. Pour l’heure, il y a beaucoup de collecte et de traitement manuels. Mais l’automatisation et la précision vont être nécessaires.