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La DINUM affiche une feuille de route ambitieuse pour le numérique d’Etat

Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance

Investissements massifs, méthodes agiles, recrutements accrus… La nouvelle feuille de route de la DINUM est ambitieuse.

Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, supervise la DINUM. - © Assemblée Nationale
Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, supervise la DINUM. - © Assemblée Nationale

Nadi Bou Hanna a quitté ses fonctions à la tête de la Dinum (Direction interministérielle du numérique) le 17 janvier 2022. Après huit mois d’intérim, ce fut finalement Stéphanie Schaer qui fut nommée à la tête de la Dinum en septembre 2022. Depuis, la stratégie de cette « DOSI groupe » de l’État, élaborant et pilotant la mise en œuvre de la stratégie numérique de l’État, restait en larges discussions interministérielles. Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, autorité de tutelle de la DINUM, a finalement apporté tous les arbitrages nécessaires et une nouvelle feuille de route a été publiée ce 9 mars 2023 avec un titre explicite : « une stratégie numérique au service de l’efficacité de l’action publique ». Cette feuille de route a été présentée en conférence de presse par Stéphanie Schaer. Quatre priorités ont ainsi été fixées après une longue période de concertations interministérielles. La feuille de route a été qualifiée de « co-construite » entre toutes les parties prenantes au sein de l’Etat.

IT Night

Stéphanie Schaer, Directrice interministérielle du numérique - © Dinum
Stéphanie Schaer, Directrice interministérielle du numérique - © Dinum

Stéphanie Schaer fait partie du jury de l’IT Night.

Elle sera donc amenée à juger des projets présentés aux Trophées de cette soirée.

Plus d’informations sur l’IT Night

 

En premier lieu, les ambitions affichées pour la DINUM et, au-delà, pour l’ensemble de la sphère publique, sont telles que la feuille de route prévoit de « renforcer significativement les compétences numériques de l’Etat ». Il s’agit donc d’attirer, recruter et fidéliser les compétences nécessaires à la réalisation des projets numériques publics. « La DINUM endossera le rôle transverse de DRH de la filière numérique » est-il précisé, avec une capacité à intervenir sur la formation numérique des fonctionnaires et à réaliser des recrutements selon des procédures dérogatoires rapides sur les métiers les plus en tension. Un nouveau service va être créé à cette fin d’ici la fin de l'été 2023, avec sans doute une vingtaine d’agents, les détails étant encore en discussions. Les équipes de la DINUM verront leur accompagnement des projets des différentes administrations renforcé, y compris en recourant à des experts ponctuels. Quarante recrutements sont prévus à la DINUM même qui n’a aujourd’hui que 180 agents. A terme, une brigade d’intervention numérique d’une vingtaine d’experts va être constituée pour mieux accompagner les projets ministériels. Les ambitions affichées, avec la richesse induite des projets, et les nouvelles méthodes mises en œuvre sont considérées comme des facteurs d’attractivité pour recruter les experts nécessaires qui vont contribuer à la réinternalisation des expertises dans l’administration.

Des méthodes, des outils…

Côté méthodes, justement, s’inspirant des « start-ups d’Etat », une approche plus agile des projets numériques de l’État est recherchée. Les principes sont classiques même s’ils sont rares dans le secteur public (en dehors des start-ups d’Etat justement) : des équipes pluridisciplinaires au lieu de silos, des évolutions incrémentales régulières au lieu de projets annualisés, des mesures d’impacts en continu, une multiplication des itérations pour la mise au point avant le passage à l’échelle… Depuis 2017 et la création de la DINUM, des progrès ont été réalisés dans le pilotage des projets numériques de l’État mais le rôle réel d’audit et de conseil de la DINUM reste en deçà des attentes : la feuille de route insiste donc sur ce point. Des séminaires interministériels d’échanges de bonnes pratiques sont envisagés. Parmi les bonnes pratiques, Stéphanie Schaer a mentionné, lors de la présentation, le développement de l’accessibilité.

Pour être plus efficace et efficient, l’État entend développer l’usage des données. Au sein de son service dédié à l’open-data Etalab, la DINUM va ainsi se doter d’un « datalab » interne dont le rôle sera certes technique (développement de l’intelligence artificielle, mise en œuvre d’une infrastructure technique…) mais aussi organisationnel (sécurisation juridique des projets, mise à disposition de compétences…). Cette stratégie générale d’État Data Driven n’est pas totalement neuve même si l’afficher en tant que telle et d’une manière générale est en effet une évolution majeure. Par exemple, la réalisation de liens entre systèmes est le coeur du « dites-le nous une fois » / « ne nous dites rien, nous le savons déjà ». Pouvoir disposer de données en temps réel sur l’économie est, de plus, une des ambitions revendiquées de la facturation électronique obligatoire. La valorisation de la donnée va également se faire en développant l’usage des API standardisées. Là encore, il existe des prémices telles que PISTE, un outil d’API management développé par l’AIFE (Agence pour l’Informatique Financière de l’État). Un budget de dix millions d’euros est toujours prévu pour co-financer à 50 % les projets data des ministères.

…et des investissements massifs.

Enfin, la DINUM se voit chargée de piloter des investissements massifs dans des outils numériques mutualisés dans le cadre d’une doctrine numérique qui reste à préciser mais dont l’objectif est bien de préserver la souveraineté numérique de l’Etat. Baser « la plupart » des projets sur des logiciels libres est clairement mentionné. Là encore, cette ambition ne naît pas de nulle part mais résulte plutôt d’un aboutissement logique, notamment après la politique cloud de l’État. Historiquement, un des premiers projets mutualisés a été le RIE (Réseau Interministériel de l’État) et la DINUM en opère ou en pilote un certain nombre d’autres. Celui qui a le plus de succès dans le grand public est l’agrégateur d’identité France Connect. Cette logique existe aussi dans le secteur de la protection sociale avec un cloud commun en cours de développement.

Les différents projets, en particulier les projets de Cloud, seront réalisés avec la collaboration expressément mentionnée de l’ANSSI (Agence Nationale pour la Sécurité des Systèmes d’Information). La cybersécurité est en effet un élément essentiel de chacun des projets. Pour mutualiser au-delà de nos frontières, la DINUM devra accroître sa participation à des projets européens et rejoindre ou initier des consortiums pour développer des services opérationnels, par exemple en matière d’authentification unifiée. Le numérique ne doit pas pour autant faire exploser ses coûts malgré les ambitions affichées. La feuille de route indique ainsi qu’un coût de 50 euros par utilisateur et par an est celui attendu pour une suite bureautique collaborative complète. Stéphanie Schaer a cité, lors de la présentation, une possibilité de réaliser celle-ci essentiellement en open-source et en partant, encore une fois, de l’existant comme la visioconférence propre, la messagerie instantanée Tchap ou le sac-à-dos numérique de l’agent. Nadi Bou Hanna avait, à son époque, expressément interdit, dans toutes les administrations d’Etat, l’usage de Microsoft Office 365 au nom de la souveraineté numérique de l’Etat.