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Jean-Claude Laroche (Cigref) : « c’est essentiel que communauté open-source et entreprises parlent »

Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance

Parrain de l’Open CIO Summit 2023, Jean-Claude Laroche, président du Cigref, nous explique le sens de son engagement. L’Open CIO Summit aura lieu à l’Hôtel Lutetia, à Paris, le 5 décembre 2023, la veille de l’Open Source Experience et en lien avec ce salon co-organisé par le pôle de compétitivité Systematic.

Jean-Claude Laroche est président du Cigref. - © Républik IT / B.L.
Jean-Claude Laroche est président du Cigref. - © Républik IT / B.L.

Pouvez-vous nous rappeler ce que représente le Cigref ?

Notre association rassemble 155 très grandes organisations utilisatrices de numérique, privées ou publiques. En cumulé, nos adhérents représentent un chiffre d’affaires de 2000 milliards d’euros, un effectif de dix millions de personnes, un budget IT de 60 milliards d’euros et un effectif numérique en salariés (hors prestataires) de 200 000 personnes. Nous sommes un groupement de personnes morales, en aucun cas un club de DSI, même si le DSI (ou équivalent) est souvent le représentant principal de son entreprise. Enfin, tous nos membres sont utilisateurs de numérique : aucun n’est éditeur, fournisseur ou dans le conseil.

L’usage de l’open-source est-il un sujet de débat au sein du Cigref et de ses membres ?

L’open-source n’est pas un sujet de débat mais d’intérêt permanent. Cela fait partie des solutions auxquelles nous pouvons recourir pour construire nos systèmes d’information, à côté des développements internes et des solutions d’éditeurs commerciaux.

Malgré tout, l’open-source s’est surtout développé dans l’infrastructure et guère ailleurs. Pourquoi ?

L’open-source se trouve essentiellement dans la part du SI directement implémentée par et pour la DSI : l’infrastructure, bien sûr, mais aussi le middleware. A ma connaissance, encore aujourd’hui, il est beaucoup moins implémenté au niveau applicatif. L’étude dont les résultats seront révélés lors de l’OpenCIO Summit nous dira si c’est bien toujours un cas général.

Très souvent, les applications au contact des utilisateurs finaux sont moins en open-source simplement, déjà, à cause des habitudes : basculer d’un Microsoft Office vers un Libre Office suppose un changement donc une conduite du changement. Et puis les éditeurs commerciaux sont connus, savent se vendre auprès des utilisateurs finaux, et, de ce fait, il y a une question de confiance des utilisateurs finaux dans l’open-source qui fait encore défaut.

Pourquoi aucun logiciel lourd, ERP par exemple, open-source n’a-t-il pu émerger réellement ?

Il y a plusieurs raisons.

La première est historique. Les solutions commerciales sont implémentées partout. SAP est ainsi présent chez la très grande majorité des membres du Cigref. Sortir d’une solution telle qu’un ERP coûte très cher et c’est très long. Le bénéfice d’un tel choix est donc pour le moins douteux.

Et puis, deuxième raison, les solutions commerciales ont un large spectre de fonctionnalités tout en étant très intégrées. Certes, on peut trouver toutes les fonctions d’un ERP en open-source, dans de nombreuses solutions très variées, mais en ayant à intégrer les briques les unes avec les autres. Devoir mener soi-même l’intégration est précisément ce que les DSI détestent.

Pour s’imposer, un ERP open-source devrait arriver au bon moment (lors d’un passage obligatoire de SAP ECC vers SAP S/4Hana par exemple) et, en plus, être très intégré.

Quand une entreprise négocie avec un éditeur ou un autre fournisseur, la menace de recourir à l’open-source, par exemple face à une forte inflation, est-elle une arme ?

Non, c’est un argument très peu utilisé. Ce n’est pas vraiment le sujet, en fait.

Dans certains domaines, les solutions sont parfois plus fiables et sures (puisque l’on dispose du code source pour tout vérifier et le cas échéant mettre à jour). Et, surtout, implémenter de l’open-source est par principe beaucoup plus maîtrisable donc, si on fait bien les choses, conforme d’un point de vue réglementaire ou porteur de confiance.

Pourquoi avoir accepté d’être le parrain de l’édition 2023 de l’Open CIO Summit ? 

En fait, c’est assez naturel pour moi car, comme je l’ai dit, l’open-source fait pleinement partie de notre panel de solutions.

Mais je pense qu’il faut encore sensibiliser les entreprises aux bonnes pratiques. Par nature, en choisissant une solution open-source, on dispose du code source. Mais si on veut obtenir un bénéfice complet de ces solutions, il faut s’investir pleinement dans les communautés. Plusieurs de nos adhérents contribuent ainsi à la fondation Eclipse. Et puis il y a bien sûr l’association Tosit.

En effet, toute solution logicielle doit vivre, pour s’adapter à l’évolution des besoins ou de la réglementation comme pour combler ses failles. Soit on s’investit dans la communauté pour le faire, soit on confie cela à un tiers mais, dans ce dernier cas, on retombe dans le modèle de l’éditeur.

Ma présence en tant que parrain à l’Open CIO Summit est, à ce sujet, un signal fort envoyé à nos membres.

Quelles sont vos attentes vis-à-vis de l’Open CIO Summit ?

Ce genre de sommet est important. D’abord, cela permet de faire le point. Je suis très friand des résultats de l’étude qui vont être révélés. Faire le point, c’est aussi se mettre au courant des nouvelles solutions et de l’évolution des différentes autres voire du dynamisme de chaque communauté.

Et puis il s’agit aussi de faire connaître nos besoins, nos attentes, d’émettre des messages à l’égard des différents acteurs. C’est essentiel que communautés open-source et entreprises parlent entre eux. L’Open CIO Summit est cet espace de rencontre essentiel, raison pour laquelle le Cigref s’y investit.


En savoir plus

- Le site de l’Open CIO Summit


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Podcast - Les entreprises à la rencontre des solutions open-source

Jean-Claude Laroche, président du Cigref, explique ici pourquoi il a accepté d’être le parrain de l’Open CIO Summit 2023. Il revient également sur la situation du logiciel libre dans les grandes entreprises. Et, surtout, il attend de l’Open CIO Summit que les communautés de l’open-source rencontrent les entreprises afin que chacun puisse présenter ses attentes, ses besoins, ses espoirs voire ses frustrations.


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