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Béatrice Grenade (Bel) : « la data, c’est du cerveau augmenté ! »

Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance

Chief Data and Transformation Officer du groupe Bel, Béatrice Grenade explique ici le rôle de la data dans la transformation du groupe agro-alimentaire.

Béatrice Grenade est Chief Data and Transformation Officer du groupe Bel - © Républik IT / B.L.
Béatrice Grenade est Chief Data and Transformation Officer du groupe Bel - © Républik IT / B.L.

Aujourd’hui, au-delà de produits emblématiques et bien connus en France, qu’est que le Groupe Bel ?

Le Groupe Bel est présent dans 120 pays avec 30 marques internationales et 12 000 collaborateurs. Notre chiffre d’affaires est d’environ 3,5 milliards d’euros et nous en réalisons plus de 85 % à l’international.

Nous avons trois grandes gammes de produits. Côté lait, nous avons des marques mondiales comme Babybel, Kiri, La Vache Qui Rit et Boursin et des marques franco-françaises telles que Mont Blanc et Gloria. Nous avons une gamme végétale avec la marque Nurishh. Et enfin, nous avons une gamme fruits avec Pom’Potes / Gogo Squeeze.

Pouvez-vous nous décrire l’organisation générale de la fonction IT du groupe ?

L’IT est une fonction globale groupe. Mais notre fonctionnement est hybride, associant le global et le local. C’est un principe dans tous les services support ou transverses. L’objectif est d’obtenir le meilleur des deux mondes : l’agilité des petits et la force des grands.

Et la fonction data ?

Je suis en charge de la data mais aussi de la transformation du groupe. Nous avons en effet un grand programme de transformation du groupe pour le rendre plus souple, plus efficace, plus centré client, plus orienté résultat et plus global (pour une vision end-to-end). La data contribue à ce programme de transformation.

La data, c’est du cerveau augmenté ! Alors que le digital, c’est du bras augmenté, des outils. Avec les datas, on peut en effet explorer le champ des possibles, imaginer des scénarios et anticiper, prévoir les évolutions. C’est ensuite au business de prendre des décisions en fonctions des possibles.

En effet, la data permet d’évaluer les scénarios pour permettre aux décideurs de mieux choisir dans un monde de plus en plus complexe où il faut aller de plus en plus vite, quasiment en temps réel.

Les Advanced Analytics, au coeur de mon action, c’est bien sûr du traitement de la donnée mais c’est aussi la fourniture de données directement utilisables par le business, de la data-as-a-product.

Pendant des années, les fournisseurs ont promu un modèle de data discovery avec une liberté maximale aux métiers. L’approche data-as-a-product n’en est-elle pas l’exact opposé ?

Mettre la data discovery dans les seules mains du métier est un pur fantasme. La data est un domaine complexe. On en peut pas demander à un directeur commercial de passer des heures à explorer les données. C’est pourquoi il y a des équipes de spécialistes qui comprennent à la fois la data et le business.

Explorer le champ des possibles, c’est tout sauf l’anarchie. Qu’est-ce que je peux explorer ? Dans quel but business ? Les équipes data vont faire les explorations, les scénarios, y compris en intégrant des données externes (macro-économiques, démographiques, etc.).

Pour que ce soit utilisable par le métier, il faut en faire un produit. Le métier ne doit pas rentrer dans les détails techniques.

Précisément, sur le plan technique, quels outils utilisez-vous ?

Les meilleures solutions sont hybrides. Il n’est pas possible de tout faire avec des outils uniques. Les outils sont choisis à l’opportunité. Quant à cloud ou pas cloud, c’est totalement secondaire pour moi. L’important, c’est : quelles datas, quelles données de référence ?

Votre activité étant B2B2C, vous n’avez aucune connexion directe avec les consommateurs. Du coup, quelles sont les données que vous utilisez ?

Dieu merci, les datas ne se limitent pas aux données personnelles ! L’enjeu, pour nous, n’est pas de savoir si vous, à titre individuel, votre apéricube préféré est celui au saumon. Nous traitons de la data en masse, pas du CRM. Une question que nous nous poserons sera plutôt du type : les personnes qui font du sport achètent-elles de La Vache Qui Rit ? Ou bien : les acheteurs du Maroc achètent-ils de La Vache Qui Rit pour leur petit-déjeuner ou leur dîner ? Les Américains apprécient-ils Babybel Végan en vivant une expérience fun ? Les réponses à ces questions-là m’intéressent. Donc, nous travaillons sur des données non-personnelles, à partir de panels, de ventes, de données macro-économiques… L’objectif est de mieux allouer nos moyens marketing par pays.

Avec les Advanced Analytics, nous avons une combinaison des différents types de données : les ventes, la démographie, l’évolution du PIB, les niveaux de risques par pays et le niveau de risque, l’encombrement du marché, etc. Quand on dispose de plus de soixante critères, il faut savoir ce qui est pertinent !

La direction marketing aura tendance à mettre en avant la puissance de la marque, la direction commerciale, le prix. Chacun voit midi à sa porte. Les données permettent de trancher sur ce qui est vraiment important et selon les segments de clientèle.

Ce qui nous importe, c’est de savoir si nous avons davantage intérêt à investir sur tel ou tel pays, à quel rythme. Et, au niveau local, faut-il investir plus sur tel ou tel produit ?

Nous avons développé nos algorithmes. Et les équipes marketing ont des produits pour optimiser leurs décisions.

Avez-vous d’autres cas d’usages, par exemple sur le sourcing, les ressources humaines… ?

Nous avons un programme pour optimiser les achats, mieux piloter la marge tout en satisfaisant au mieux nos consommateurs. Nous travaillons beaucoup sur ce sujet en ce moment pour faire face à l’inflation sur les matières premières, du lait au carton des emballages.

Sur les données ressources humaines, les DRH analysent les données depuis toujours. Mes équipes n’auraient aucune valeur ajoutée à faire des moyennes ou des écarts-types sur les fiches de paie pour les comparer aux données du marché. Pour bien piloter les équipes et prédire les tensions ou les départs, le meilleur indicateur reste un bon manager. Il y a en effet de vraies questions éthiques (voire légales) à capter des données comportementales humaines et à les analyser pour, par exemple, prédire une démission.

La guerre des talents est-elle un sujet pour vous ? Et la parité ?

C’est un éternel sujet, également dans la data. Dans un domaine avant-gardiste, beaucoup déclarent être séduits mais ont peur de s’y lancer. La data est autant un sujet technologique qu’un sujet de transformation, de nouvelle manière d’opérer.

La diversité des profils qui m’intéresse, ce n’est pas par sexe mais par manière d’être, de réfléchir. Dans une équipe qui va aider à la transformation, j’ai besoin de gens qui explorent, qui sont réceptifs à la différence. Nous avons donc besoin de la diversité de personnalités.

Quels défis voyez-vous dans les prochains mois ?

Nos enjeux ne sont pas technologiques mais plutôt en termes de transformation. Nos enjeux, c’est de savoir comment utiliser la data pour en faire des produits destinés aux métiers, des process pour transformer le monde. Les enjeux sont donc plus humains que technologiques même si les deux vont ensemble. En bref : vive la complexité !


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