Audrey Brayer (PV-CP) : « nous faisons des projets métiers reposant sur la technologie »
Pierre et Vacances - Center Parcs (PV-CP) est un groupe centré sur le tourisme de proximité. De grands projets structurants de refontes de socles sont actuellement menés mais sans négliger les fondamentaux frontaux comme le e-commerce et le digital. Audrey Brayer, Directrice de l’Innovation Opérationnelle et des Systèmes d’Information du Groupe Pierre et Vacances - Center Parcs (PV-CP), explique ici sa vision.

Aujourd’hui, comment peut-on décrire le groupe Pierre et Vacances - Center Parcs (PV-CP) ?
Nous sommes un acteur centré sur le tourisme de proximité et la reconnexion avec la famille et la nature. En tout, nos 13 000 collaborateurs et nos 45 000 unités d’hébergement sur 300 sites nous permettent de générer pratiquement deux milliards d’euros de chiffre d’affaires. Nous avons quatre marques avec chacune son positionnement.
Tout d’abord, Pierre & Vacances propose des appartements à louer, pour l’essentiel sur le littoral ou à la montagne. Les 186 résidences, presque toutes en France et en Espagne, avec 18 000 appartements proposent les meilleurs emplacements et des services à la carte pour plus de 350 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Center Parcs dispose de 30 domaines en pleine nature (France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Danemark) avec des cottages autonomes. Il y a sept domaines en France. Cette activité représente environ 1,2 milliard d’euros.
Activité un peu différente, Maeva est une plateforme de distribution de locations de vacances et de services pour des particuliers propriétaires et des campings affiliés. Maeva distribue de l’ordre de 50 000 adresses issues d’une cinquantaine d’affiliés et 7000 partenaires hébergeurs. Nous y réalisons un volume d’affaires de l’ordre de deux cents millions d’euros.
Enfin, Adagio est une co-entreprise avec le groupe Accor. Il s’agit de commercialiser des appart’hôtels dans 130 établissements soit pour le tourisme urbain soit pour le déplacement de cadres. Cela représente de l’ordre de 230 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Comment est organisée votre IT ?
Je pilote l’ensemble des quatre grandes directions de la Tech.
D’abord, il y a la Direction des Opérations. Celle-ci est chargée de l’hébergement du SI, de la digital workplace, du réseau, de la cybersécurité…
Nous avons ensuite une Direction des Applications de Back-Office : finances, achats, RH, décisionnel…
Une autre direction est dédiée aux applications de vente et de distribution. Il s’agit du CRS (Central Reservation System), du RMS (Revenue Management System), du PMS (Property Management System)… Ces logiciels permettent la gestion de bout en bout des hébergements jusqu’à la facturation. Ils sont connectés aux tour-operators et gèrent également des contrats avec des comités d’entreprises.
Enfin, nous avons un Pôle Dital-Data en charge du site web, des applications mobiles, de la plateforme data… Il faut savoir que 80 % des ventes de Center-Parcs sont réalisées en direct en ligne.
La DSI travaille pour l’ensemble des quatre marques, un peu moins pour Maeva dont le coeur d’activité est digital. Pour Adagio, nous opérons le back-office et les opérations tandis qu’Accor gère le reste. Même si Pierre & Vacances a racheté Center Parcs, nous n’avons pas, durant des années, mené de mutualisation.
En 2021, plus de 80 % du parc était en voie d’obsolescence forte. Mais il y avait de fortes différences selon les marques. Par exemple, Pierre & Vacances avec renouvelé son système de réservation mais Center Parcs utilisait un système de plus de trente ans. Sur chaque sujet, nous avons regardé les urgences ou les opportunités business à aller chercher afin de construire notre feuille de route.
Depuis 2022, le budget IT a été multiplié par deux.
Quels sont vos principaux projets structurants ?
D’abord, nous avons effectué une migration massive vers le cloud Microsoft Azure. La réservation est un développement propre pour Pierre & Vacances mais qui est désormais avec une évolution commune avec Center Parcs. Sur le marché des résidences de tourisme, il n’y a pas vraiment d’acteur du marché car c’est un type d’hébergement très français, au mieux européen. De plus, nous estimons que la distribution est, pour nous, un axe stratégique et nous apprécions d’en avoir une maîtrise totale.
Pour le PMS, nous avons développé un produit puis nous avons monté unefiliale avec les développeurs pour proposer ce produit à l’extérieur du groupe. Par contre, notre RMS est un SaaS du marché, déployé fin 2024, Duetto.
Autant que possible, nous privilégions désormais le SaaS et, sinon, le Cloud IaaS/PaaS. Notre ERP est SAP ECC 6 et nous avons signé, pour migrer vers S/4, une offre RISE sur Azure. La migration devrait s’effectuer d’ici la fin de l’année. SAP a bien compris les sens de l’évolution du marché. Pour préparer ce projet, nous avons adhéré à l’USF (association des Utilisateurs SAP Francophones) et nous avons réussi à réaliser des économies entre notre contrat ECC et notre contrat S/4.
Pourquoi votre titre associe « Innovation Opérationnelle » (donc métier) et « Systèmes d’Information » ? Qu’est-ce que cela implique en termes de processus comme de projets ?
J’ai une conviction forte sur le rôle de l’IT dans la performance des processus métiers. Beaucoup de projets portant sur l’efficacité des processus sont rendus possibles par les nouveaux outils. De ce fait, les transformations métiers profondes sont souvent déclenchées par un changement d’outil qui amène une réflexion sur les processus eux-mêmes.
Il y a donc une opportunité pour les DSI d’innover sur les processus par les projets technologiques. Nous ne faisons plus, dans ce cas, des projets technologiques mais des projets métiers reposant sur la technologie. Les innovations technologiques peuvent parfois même lever des barrières, même si c’est davantage vrai dans d’autres secteurs que le nôtre. Chez nous, l’innovation réside surtout dans les processus.
Vous avez des ambitions RSE importantes. Qu’est-ce que cela implique pour l’IT et l’innovation ? En particulier, je pense à l’IA, très consommatrice de ressources.
Le sujet est abordé avec énormément de sérieux chez nous. Nous menons un accompagnement très structuré par la DSI.
Très classiquement, il y a deux aspects à prendre en compte. Tout d’abord, il faut rendre l’IT plus vertueuse, ce qui relève bien sûr du Green IT mais il ne faut pas oublier les dimensions sociale et inclusion de la RSE. Ensuite, il y a ce que l’IT peut faire pour les métiers afin que les processus soient plus vertueux (IT for Green).
Par exemple, nous menons un travail important sur l’optimisation énergétique de notre parc immobilier. Cela commence par la mesure donc la collecte de données via l’IoT et une cartographie de nos actifs immobiliers (à terme, notre roadmap prévoit d’aller jusqu’au BIM). A un moment, il va falloir aider à la création d’écosystèmes de partenaires autour de nos sites : traitement de l’eau, production autonome d’énergie… Il y aura besoin de partager beaucoup de données avec nos partenaires.
Bien sûr, il y a de plus en plus d’usages de l’IA et de la visioconférence, les clients viennent en général sur nos sites en voitures individuelles… nous savons que nous avons encore des améliorations à mener.
Typiquement, nou svoulons former et sensibiliser nos différents publics pour que chacun soit capable d’un bon discernement sur les usages. Par exemple, il ne faut pas confondre un assistant virtuel et un moteur de recherche.
Comment structurez-vous vos process et quels outils utilisez-vous pour votre futur reporting CSRD ?
La première action consiste à savoir ce que l’on doit reporter et, au-delà, ce que nous voulons reporter, selon ce que nous disposons comme données et ce qui a du sens chez nous. Le reporting CSRD n’est pas qu’une procédure légale contraignante : c’est aussi un outil qui nous permet d’accompagner nos ambitions en matière de RSE.
Pour l’heure, nous ne rencontrons pas de vraie difficulté à reporter autour de nos indicateurs clés de performance. Mais nous poussons des améliorations à l’occasion de projets de refonte. Par exemple, dans la gestion de nos achats, nous en profitons pour bien typer les flux. Il restera sans doute, au début, un peu de traitement manuel mais nous n’avons aucun problème de donnée absente ou non-collectée.
Le e-commerce est-il aujourd’hui une banalité opérationnelle ou doit-on encore se poser des questions stratégiques ?
Non, ce n’est absolument pas une banalité opérationnelle ! Nous pensons clients tous les jours avec deux indicateurs clés : la satisfaction client (NPS : net-promotor score) et le chiffre d’affaires issu des canaux digitaux.
Le digital est notre canal de distribution principal. Et nous avons énormément de concurrence sur chacun de nos marchés. C’est donc un combat de tous les jours pour optimiser le parcours de vente, la performance marketing, la conquête de clients… Nous avons des processus bien formalisés, nous bénéficions d’une forte expérience mais il est hors de question de ronronner sur nos acquis.
Le sujet est aussi, ici, l’impact de l’IA. L’IAG permet de générer des contenus personnalisés, d’améliorer le parketing automation, de suivre le comportement des clients dans leurs interactions sur les canaux digitaux…
Et qu’en est-il de la digitalisation des process ? Là aussi, la banalité opérationnelle n’est pas encore acquise ?
En effet, c’est absolument pareil. La digitalisation des processus est toujours un sujet. Nous avons toujours une recherche constante de la performance pour garantir notre croissance forte et rentable, pour faire plus avec autant. Nous misons donc sur l’automatisation et la digitalisation.
Nous pilotons les projets par la valeur. Et les feuilles de route sont donc construites avec les métiers pour tenir compte des vrais besoins.
Pour terminer, quels sont vos défis pour 2025 et au-delà ?
Ils sont nombreux !
La gestion de la complexité est un sujet pour tout le monde. Il nous faut être capable de réaliser les bons arbitrages en tenant compte de l’évolution du marché tout comme la nécessité de penser temps long sans oublier le temps court !
Plus opérationnellement, la refonte de la réservation de Center Parcs avec tous les enjeux d’un tel projet constitue un évident défi, d’autant qu’il nous faut continuer d’accompagner les métiers sur toutes les transformations (IAG, digital…).
Il nous faut donc continuer à être très bons sur la livraison des projets (refontes de systèmes, facturation électronique obligatoire, etc.) mais sans rater les trains d’innovations (comme l’IA), bien gérer la cybersécurité et, évidemment, développer toutes les nouvelles compétences dont nous avons besoin.
Podcast - La Tech chez Pierre et Vacances - Center Parcs : innover par et pour les métiers
Pierre et Vacances - Center Parcs (PV-CP) décline son positionnement d’acteur des vacances de proximité autour de quatre marques. Evidemment, l’IT y joue un rôle considérable. Audrey Brayer porte le titre de Directrice de l’Innovation Opérationnelle et des Systèmes d’Information du groupe. Derrière cet intitulé de poste inhabituelle, il y a une réelle vision sur le rôle de la Tech.