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Guillaume Le Hénanff (A. de Rothschild) : « l’IA nous amène l’efficience au service des patients »


Face à sa forte croissance, l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild a recours à l’IA de Tandem Health pour accroître sa performance. Guillaume Le Hénanff, directeur général adjoint de l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild, nous explique les enjeux et modalités du projet.

Guillaume Le Hénanff est directeur général adjoint de l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild. - © Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild
Guillaume Le Hénanff est directeur général adjoint de l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild. - © Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild

Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild ?

L’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild est issu d’un leg du Baron Adolphe de Rothschild, décédé en 1900. Sa volonté était de créer un hôpital gratuit, d’excellence et ouvert à tous. Notre positionnement est depuis l’origine sur l’ophtalmologie et les neurosciences ORL (notre activité se répartit équitablement entre les deux). Nous connaissons une très forte croissance qui nous a amené à multiplier notre activité par quatre ces quinze dernières années.

Aujourd’hui, nous disposons, au sein de la Fondation elle-même, de notre hôpital et de deux centres de santé (trois autres vont ouvrir dans les prochaines années) et d’instituts thématiques (myopie, nerf optique et glaucome). Etablissement privé non-lucratif, nous avons ouvert une filiale lucrative pour créer la clinique Noémie de Rothschild.

En tout, nous avons aujourd’hui 1850 salariés dont 350 médecins. Notre activité génère un chiffre d’affaires de 240 millions d’euros (dont 24 sur l’activité de recherche). Nous sommes le premier établissement privé non-lucratif en recherche médicale en France.

Comment est aujourd’hui organisée votre fonction IT ?

Jean-Christophe Hugon est notre directeur des systèmes d’information et des Technologies médicales. Il a succédé à Yannick Boursin qui a rejoint le Groupe Hermes.

Notre DSI est actuellement en pleine reconfiguration. Son périmètre intègre le biomédical pour garantir la fluidité des processus. De la même façon, l’IA et la datascience sont également pilotées par la DSI, même pour les projets de recherche afin de garantir la fluidité du travail commun entre DSI et chercheurs. Comme vous le savez, des projets en IA ou en datascience supposent des données de qualité. Certaines données sont collectées à l’occasion de la pratique clinique.

La cybersécurité est également rattachée à la DSI. Tous les cinq ans, la Haute Autorité de Santé certifie les établissements de santé. Nous avons été récemment certifiés et avons obtenu une très bonne appréciation sur notre cybersécurité même si, évidemment, ce n’est jamais un combat gagné d’avance.

Nous sommes particulièrement sensibilisés à la question de la cybersécurité. Quand il y a des événements en lien avec le conflit au Moyen-Orient, notre nom entraîne en général des cyber-attaques contre nous.

Pourquoi vous êtes-vous intéressé à un assistant IA ?

L’IA nous amène l’efficience au service des patients. Gagner en efficience est notre motivation.

Nous avons affaire à une grosse lourdeur technique lors des rendez-vous médicaux. Le médecin recueille la donnée clinique en interrogeant le patient et elle est saisie dans des formulaires très lourds dont les informations vont être utilisées pour le dossier patient comme pour la recherche. Le médecin est, de ce fait, focalisé sur son écran. La relation patient n’est donc pas idéale.

En ayant recours à un assistant IA, nous pouvons améliorer le recueil de données tout en préservant la qualité de la relation patient. L’IA générative permet, de plus, de créer le compte-rendu pour le dossier patient. Les verbatims sont d’abord transcrits en speach-to-text avant d’être convertis soit en données structurées (pour remplir les formulaires exploités en recherche clinique) soit en texte rédigé.

Le retour sur investissement de ce genre d’outil est généralement associé à l’amélioration du bien-être du médecin, éventuellement uen recherche d’un plus grand de consultations dans le même temps, mais pas plus. Nous, nous avons travaillé sur l’amélioration des processus métier.

Nous avons testé l’outil sur une quarantaine de médecins. Nous n’avons ni constaté ni cherché de croissance du nombre de consultations. Par contre, le secrétariat médical est beaucoup moins sollicité sur les tâches de transcription.

Techniquement, comment fonctionne la solution Tandem Health que vous avez choisie ?

L’outil fonctionne en deux temps. Tout d’abord, il y a la transcription speach-to-text en temps réel, sans sauvegarde du son. Ensuite, le contenu ainsi transcrit sert à alimenter les contenus selon le choix du professionnel. Chez nous, il y a donc le dossier patient et les formulaires structurés pour la recherche clinique.

Le stockage est effectué sur l’hébergement certifié Hébergeur de Données de Santé (HDS) de Microsoft Azure. Les données sont conservées en l’état trente jours.

Comment avez-vous mené le projet ?

Nous avions trois objectifs au moment de lancer notre réflexion autour de l’IA. Tout d’abord, permettre une certaine autonomie des patients lors d’une prise de contact (prise de rendez-vous…). Ensuite, il s’agissait de faciliter la pré-admission grâce à des agents et en évitant de redemander plusieurs fois la même information ou le même document. Enfin, il s’agissait d’améliorer la bureautique hospitalière.

Pour l’instant, nous nous concentrons sur ce dernier point. Nous sortons à peine du démonstrateur avec la population test de quarante médecins. Le déploiement général est prévu au deuxième semestre 2026. Il s’agit pour nous de réduire le temps de secrétariat consacré aux compte-rendus. Les secrétaires médicales pourront ainsi davantage accompagner les patients lorsque ceux-ci en ont besoin.

Nous avons été sollicités par de nombreux prestataires potentiels. Nous avons fait notre choix à partir des retours des testeurs autant sur les fonctionnalités que sur la fiabilité. Le test de Tandem Health a été opéré au premier semestre 2025 avec une analyse en fin de semestre. Nous avons récemment décidé de contracter avec Tandem Health.

Comment avez-vous traité les craintes habituelles sur ce genre d’outils et quelles sont les perspectives ?

L’innovation est pilotée par un comité scientifique et clinique. Ce genre de comités aboutit parfois à choisir ceinture et bretelles pour ne pas avancer. Pas chez nous. Nous avons une attitude volontaire en faveur de l’innovation mais en validant sa pertinence.

S’agissant des craintes sur la fiabilité de l’IA, nous avons veillé à ce que les comptes-rendus soient toujours relus par les médecins avant envoi afin d’éviter les erreurs. Soyons prudents mais ne perdons jamais en agilité, en performance et en innovation !