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Antibes traque les dépassements de délais avec des smart-contracts

Par Bertrand Lemaire | Le | Cas d’usage

La ville d’Antibes a utilisé des technologies SAP pour superviser le contrôle des délais transversalement à de multiples processus et applications.

Patrick Duverger est directeur de la Logistique et des Systèmes d’Information d’Antibes. - © D.R.
Patrick Duverger est directeur de la Logistique et des Systèmes d’Information d’Antibes. - © D.R.

Située sur la Côte d’Azur à quelques kilomètres de Nice, la ville d’Antibes a une population permanente d’environ 80 000 habitants mais elle peut en abriter jusqu’à 250 000 l’été. Elle abrite une partie de la technopole de Sofia Antipolis sur son territoire. Comme toutes les communes, Antibes a des compétences variées, ce qui implique aussi un grand nombre de procédures et d’applicatifs métiers. « Nous avons beaucoup de processus qui nécessitent l’intervention successive de plusieurs agents qui n’ont, chacun, qu’une vue parcellaire de ce qui est fait » soupire Patrick Duverger, directeur de la Logistique et des Systèmes d’Information d’Antibes. Or, pour traiter la gestion d’un processus transverse comme le traitement des retards, la vision globale, du contrat au paiement en passant par la réalisation, est essentielle. Les retards peuvent être dus à un fournisseur (retard de livraison…) ou bien à la commune (retard de paiement…). Ces retards ont des conséquences contractuelles (pénalités par exemple). Cette vision globale, transverse, était problématique et devait être facilitée.

Patrick Duverger relève : « notre système d’information comprend de nombreuses applications métiers spécifiques (Ciril, Berger Levrault…) avec un datalake unique sous SAP Hana avec SAP BO pour le décisionnel. » Au delà de la fourniture de ces briques d’exploitation transverse des données des différentes applications, Antibes a conclu un partenariat pour l’innovation avec SAP. Dans le cadre de ce partenariat, Antibes a travaillé avec SAP sur le problème de la supervision des délais et retards.

Un processus complexe et parallèle

Les services généraux, placés sous l’autorité de Patrick Duverger, traitent chaque année 3 000 commandes représentant deux millions d’articles avec l’intervention d’une quinzaine de personnes différentes. Le logiciel de gestion des appels d’offres d’Antibes a été placé sous licence Etalab, une licence de droit français parmi les licences libres. Le contrôle du respect des délais contractuels était un processus parallèle au processus allant de la commande au paiement. « C’était réalisé tout à fait à côté » se souvient Patrick Duverger. Il fallait à la fois accroître l’efficacité des contrôles mais aussi les formaliser davantage. Le processus de contrôle devait être rendu plus clair et plus robuste. Cela impliquait de spécifier précisément ce processus.

Pour tracer chaque étape et dans le cadre du partenariat avec SAP, Antibes a eu recours à une blockchain mise en œuvre par l’éditeur. Chaque transaction, chaque étape du processus (appel d’offres, notification, livraisons complètes ou non, validation interne…) est ainsi inscrit dans la blockchain. Les données proviennent du logiciel gérant la commande publique, de la gestion des commandes, des stocks et des livraisons, du logiciel de gestion financière… Patrick Duverger souligne : « en standard, à chaque commande, il y a au moins, dans le processus, trois logiciels différents et trois utilisateurs différents sans oublier les tiers concernés. » 

Une analyse macro et des traitements automatisés

Toutes les étapes étant tracées dans la blockchain, Antibes peut analyser le processus et les données associées pour mener des optimisations avec une vision macroscopique. L’usage de la blockchain permet surtout la mise en place de smart-contracts. Ceux-ci peuvent ainsi déclencher des process lorsque des conditions sont réunies, comme un retard sur le prévu contractuel par exemple, pourvu que tous les tenants et aboutissants soient formalisés. Lorsque l’alerte retentit, cela n’implique pas nécessairement le lancement d’un contentieux. Une intelligence artificielle, avec apprentissage machine, analyse la situation et recommande le déclenchement ou non de la procédure contentieuse.

Le cas échéant, c’est plus le processus de gestion des commandes qui sera modifié. Enfin, le décisionnel avancé permet de réalisé des analyses descriptives, prédictives et, enfin, prescriptives à partir de statistiques. L’idée est d’améliorer les appels d’offres à chaque passage de nouveaux marchés. Patrick Duverger relève : « nous voulons aussi améliorer la mise en concurrence et renforcer les clauses contractuelles sur les sujets apportant des litiges. »

La souveraineté garantie

Antibes avait cependant des prérequis impératifs dont le respect n’allait pas de soi avec cette approche technologique. En effet, la ville voulait absolument rester propriétaire exclusive des données et elle refusait tout minage afin de rester au maximum écoresponsable. De plus, la confidentialité des données devait être garantie. « L’appel d’offres est public mais pas les réponses » relève Patrick Duverger. Les données utilisées peuvent comporter des données personnelles (noms, adresses, téléphones…).

La blockchain, sa sécurisation et l’analytic sont, certes, hébergés sur SAP BTP (Business Tech Platform) mais, point sur lequel insiste Patrick Duverger, « SAP n’a jamais accès aux données car elles sont chiffrées dans un boîtier physique dédié grâce à l’environnement d’exécution sécurisé du processeur et les clés de chiffrement sont détenues par Antibes. SAP n’a donc jamais accès aux données en clair, les seules données sortant de notre SI étant chiffrées par nos soins. » Le choix de SAP BTP est d’ailleurs lié à la nécessité de disposer des clés car, indique Patrick Duverger, « sur AWS ou GCP, il faut utiliser des clés détenues par l’hébergeur ».