L’IA/IAG fait exploser l’empreinte environnementale du numérique
The Shift Project vient de publier une étude sur l’impact environnemental du développement de l’intelligence artificielle, surtout générative.

L’empreinte environnementale du numérique est, depuis des années, un sujet critique. Elle ne cesse de s’accroître et dépasse déjà celle du très décrié transport aérien. Depuis deux ans, l’explosion des usages de l’intelligence artificielle (IA) par le grand public et les entreprises, notamment l’intelligence artificielle générative (IAG) provoque une croissance considérable de cette empreinte environnementale. L’association The Shift Project, le think tank de la décarbonation de l’économie, a mené une étude sur le sujet. Comme attendu, le résultat est catastrophique.
Cette étude se focalise sur les datacenters qui exécutent les algorithmes d’IA/IAG dans la plupart des cas. Elle a été réalisée par un groupe de travail de quinze spécialistes durant quinze mois. Plus de soixante dix entretiens approfondis avec des experts ont été menés pour appuyer les travaux. Les projections sont opérées sur ces bases.
Une trajectoire délétère
« À l’horizon 2030, à l’échelle mondiale, les tendances actuelles pourraient mener la filière des centres de données à doubler ou quadrupler son empreinte carbone (en prenant en compte les impacts de production et de construction, qui pèse respectivement pour 75 % et 25 % du total) » dénonce The Shift Project. Les datacenters représentaient 250 MtCO²e/an en 2020 mais, à cause de l’IA/IAG et en moindre mesure des cryptoactifs, l’empreinte pourrait grimper à 630 voire 920 MtCO²e/an en 2030. Cette empreinte mondiale des datacenters correspond à deux fois les émissions annuelles totales d’un pays comme la France. Chaque année, une croissance de 9 % correspond à 50 MtCO²e/an soit l’équivalent de tout le secteur de l’élevage en France.
Les infrastructures de l’IA au Disruptiv’Summit
Lors du Disruptiv’Summit, les 9 et 10 décembre 2025 à l’Hôtel Le Royal Deauville, l’atelier 4 sera sur le thème « Comment optimiser les infrastructures pour l’IA ? ».
Pour tenir les objectifs de décarbonation, la filière doit impérativement rester sous les 1000 TWh de consommation électrique annuelle. Contrairement à ce qui aurait pu être envisagé, les gains d’efficience énergétique sont très insuffisants pour compenser la croissance de cette consommation électrique. The Shift Project dénonce ainsi : « l’explosion de l’offre de puissance informatique pourrait mener à une multiplication par 3 entre 2023 et 2030. Le phénomène IA générative est la cause principale de cette augmentation. »
L’énergie, un problème dans le problème
C’est d’autant plus dramatique que, en 2024, l’énergie électrique alimentant les datacenters est, dans plus de la moitié des cas, d’origine fossile. La croissance de la consommation électrique se fera sans modification substantielle du mix énergétique. La consommation énergétique passerait ainsi de 400 TWh en 2020 à 1250 à 1500 TWh en 2030, loin de l’objectif des 1000 TWh maximum. Un problème supplémentaire est que « cette augmentation de consommation électrique n’est, à notre connaissance, pas prise en compte dans les scénarios de planification énergétique. »
Au-delà du problème environnemental, c’est donc, le cas échéant, la résilience de l’équilibre production/consommation électriques qui serait menacée en plus de la transition énergétique. En France, les datacenters représentent actuellement 2 % de la consommation totale mais 20 % en Irlande ! Et la consommation pourrait quadrupler d’ici 2035. L’offre de calcul est au premier rang des causes de cette dérive délétère. Et la croissance de l’offre de calcul est, bien entendu, tirée par celle de la demande en lien avec l’IAG.
Des recommandations de bon sens mais pas simples à adopter
Alors que le grand public et les entreprises continuent d’être éblouis par l’IA/IAG, The Shift Project appelle à retrouver la raison. Tout d’abord, il est indispensable d’adopter un recensement contraignant des datacenters et un suivi de leur empreinte environnementale. Il faut ensuite discerner l’utile du superflu : « tout déploiement d’une solution d’IA doit s’accompagner d’une analyse de pertinence, notamment dans les organisations, afin d’identifier et de prioriser uniquement les applications compatibles avec les trajectoires climatiques des organisations » insiste The Shift Project. Enfin, il faut réorienter les investissements. Il faut « conditionner les déploiements des centres de données à leur compatibilité avec la trajectoire de référence du secteur, et abandonner les solutions d’IA ne pouvant être rendues compatibles avec la contrainte carbone ».
The Shift Projet appelle donc à prendre quatre familles de mesures. Tout d’abord, il faudrait assurer un suivi public de la filière et la transparence des services d’IA en matière d’empreinte environnementale. En deuxième lieu, il est indispensable d’optimiser cette empreinte et donc de limiter l’empreinte environnementale des solutions d’IA et des équipements associés et suivre les référentiels sur l’IA frugale. Ensuite, la société doit adopter une réorganisation collective vers la sobriété, ce qui passe par définir et faire respecter une trajectoire plafond de consommation électrique des centres de données. Enfin, en matière de formation et de compétences, il ne évidemment pas réorienter les ressources de formation et le débat public vers l’IA plutôt que vers la transition environnementale.