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Société Générale : la diversité des profils pour répondre à la pénurie de talents IT

Par Bertrand Lemaire | Le | Recrutement

Le groupe Société Générale poursuit sa réorganisation et aussi sa transformation numérique en ayant besoin de nombreux experts IT. Pour répondre à la pénurie de talents, le groupe bancaire a opté pour la diversité des talents et des parcours, avec un accent particulier sur l’apprentissage et la féminisation.

Claire Gathier-Caillaud, DRH filière SI, et Alain Voiment, CTO de la Société Générale. - © Républik IT / B.L.
Claire Gathier-Caillaud, DRH filière SI, et Alain Voiment, CTO de la Société Générale. - © Républik IT / B.L.

Depuis maintenant plusieurs mois, la Société Générale est en pleine réorganisation. Mais, pendant les travaux, les recrutements IT se poursuivent malgré la pénurie de talents IT sur le marché. Cela impose une ouverture à des profils moins habituels dans les grandes banques françaises, en particulier pour féminiser la fonction. Les chantiers numériques sont en effet importants en ce moment. En particulier, le rapprochement entre le réseau Société Générale et celui du groupe Crédit du Nord, par exemple, amène une série de travaux de consolidations. Une première bascule (quatre région sur onze) des clients du Crédit du Nord dans le SI de la banque de détail Société Générale (rebaptisée SG au passage) a ainsi été opérée le week-end du 11-12 mars 2023, entraînant un arrêt bien anticipé de certains services, les clients ayant été prévenus plusieurs semaines à l’avance. « Tout s’est bien passé et le solde devrait basculer au mois de Mai » indique Alain Voiment, directeur des infrastructures informatiques (CTO) du groupe.

Ce dernier a d’ailleurs été nommé il y a quelques mois, peu après Carlos Gonçalves au poste de CIO groupe. Aujourd’hui, la fonction IT du groupe se répartit entre une direction groupe et des DSI par entités (banque de détail, SGCIB…), afin de rester proches des métiers, y compris une direction pour les fonctions centrales corporate. A cela s’ajoutent des directions transverses (cybersécurité, infrastructures…). Mais Carlos Gonçalves est bien le pilote de l’ensemble (hors Boursorama dont la gouvernance est nettement séparée à tous points de vue). Et, au même niveau, sur le même périmètre organisationnel, rattachée au même directeur général, Claire Gathier-Caillaud, DRH filière SI, supervise l’ensemble de la question des ressources humaines de la filière IT, soit 25 000 collaborateurs à travers le monde. Et 4000 recrutements sont opérés chaque année en IT dans le monde, dont 600 en France. Les défis à relever sont donc colossaux.

De l’opérationnel à l’innovation en passant par la RSE

Le premier enjeu, assez logiquement, comme le rappelle Alain Voiment, est de faire fonctionner la banque au quotidien, toute banque étant avant tout un système d’information. Mais avec une emphase particulière sur la sécurisation, en particulier la sécurité des données des clients, la banque devant être l’opérateur de confiance par excellence. Ensuite vient bien sûr la transformation de la banque, qu’il s’agisse d’un point de vue métier ou bien en adaptant les technologies récentes pour rester compétitif. L’IT doit aussi devenir plus performante en baissant ses coûts : actuellement, le coût IT représente environ 17 % des revenus de la banque (en 2021) et, d’ici 2025, devrait baisser à entre 14 et 15 %. Bien sûr, la data est aussi mobilisée pour accroître les revenus de la banque. Enfin, la RSE est devenue, au groupe Société Générale comme dans beaucoup d’autres entreprises, aussi un sujet essentiel : baisse de l’empreinte environnementale (notamment énergétique), critères RSE dans les appels d’offres pour choisir les fournisseurs, sensibilisation des utilisateurs… L’amélioration des conditions de travail peut être considérée comme un tel sujet RSE : des locaux des Dunes (flex office intégral) à Fontenay-sous-Bois (dans la banlieue Est de Paris) à la crise sanitaire Covid-19 en passant par les grèves de transport, le télétravail s’est imposé avec un poste de travail unifié destiné à un fonctionnement ubiquitaire et s’appuyant sur du collaboratif. « Avec le télétravail, on se voit moins mais on se voit quand on le veut » relève Alain Voiment. Il précise : « avant, on pouvait être assis à côté de quelqu’un et ne jamais vraiment lui parler ; aujourd’hui, rencontrer quelqu’un implique d’échanger. C’est la raison pour laquelle nous voulons du travail hybride mais pas de 100 % télétravail et pas de résidence à l’étranger. » Beaucoup de collaborateurs habitent ainsi en province et « navettent » en TGV une ou deux fois par semaine.

Et, au sein des sujets RSE, il y a évidemment l’inclusion de tous les publics, que ce soit comme clients mais aussi comme collaborateurs. L’inclusion est d’ailleurs une manière de répondre au défi de pénurie des talents. Elle concerne différents types de publics dont, en particulier, les femmes. En période de pénurie des talents, se priver de la moitié de la population est évidemment impossible. Plus la proximité métier est importante, plus la féminisation est élevée. A la Société Générale, le taux global de femmes dans l’IT est de l’ordre de 30 %. Or la baisse du taux de femmes dans les écoles d’ingénieurs ne peut que poser des problèmes pour accroître la féminisation des fonctions IT. Des décisions fortes ont été prises comme, par exemple, de nécessairement avoir une femme dans les short-lists de recrutement comme dans l’équipe en charge de ce recrutement. La décision, forcément collégiale, doit éviter le recrutement de clones. « Prendre des décisions collégiales ne dépossède pas l’expert RH de son rôle, bien au contraire » insiste Claire Gathier-Caillaud.

Former et accepter des profils inhabituels

Face à la pénurie, la réponse de la Société Générale est d’étendre les profils recrutés au-delà des écoles d’ingénieurs, y compris via des formations internes, des professionnels métiers pouvant se reconvertir dans l’IT. « Mais pour que les candidats soient intéressés, il est important qu’ils aient une bonne vision de ce que l’on fait » souligne Claire Gathier-Caillaud, DRH filière SI. Même si ce n’était guère fréquent dans la banque en France, l’alternance s’est ainsi creusé une place importante au sein du groupe Société Générale avec 250 alternants actuellement en recrutement dans tous les domaines de l’IT (data, cloud, cybersécurité…), même si, dans 40 à 45 % des cas, c’est sur du développement. Sur dix profils junior IT recrutés en CDI, sept sont d’anciens stagiaires ou alternants formés au sein du groupe bancaire.

Alain Voiment relève : « certaines écoles nous intéressent plus que d’autres mais je suis plus attaché à un profil qu’à une école. Nous ne voulons pas de clones et la diversité des écoles (nous travaillons avec une quarantaine) contribue à celle à des profils ». « Nous n’avons pas de partenariat avec une école précise et on ne peut pas réserver une place privilégiée à des établissements avec moins de 10 % de femmes si l’on veut plus de femmes » confirme Claire Gathier-Caillaud. L’alternance sert donc fortement la diversité des profils et cette diversité est une vraie volonté au sein du groupe bancaire. Pour Alain Voiment, « un faible nombre de femmes dans l’IT est un vrai problème car, dans les métiers comme parmi nos clients, il y a plus de femmes que d’hommes et il faut que les informaticiens comprennent les utilisateurs. » Il en résulte, pour Claire Gathier-Caillaud, que « la diversité est un sujet d’entreprise, pas un sujet RH. Et pour faciliter l’accueil de toutes les formes de diversité, nous avons par exemple mis en place du mentoring réciproque pour que chacun découvre la réalité de l’autre. »

La reconversion en plus de l’alternance

A ce choix fort en faveur de l’alternance vient donc aussi s’ajouter le choix de parcours de reconversions. Claire Gathier-Caillaud explique ainsi : « nous avons un programme baptisé ‘Reskilling’, très large, au sein du groupe Société Générale destiné à nos collaborateurs souhaitant évoluer et soit suivre le changement de leur métier, soit changer de voie. Une grosse partie de ce programme vise à former aux métiers du numérique. En parallèle, nous avons des partenariats avec des structures tierces (associations, entreprises…) pour la reconversion de publics externes en recherche d’emploi. » L’intérêt d’un tel programme tient aussi, qualitativement, à l’expérience métier apportée par les reconvertis.

La Société Générale ne cherche pas seulement des compétences techniques mais aussi ce que l’on nomme les « softskills » ou « savoir-être ». L’un des grands problèmes classiques pour la carrière des experts, c’est l’évolution obligatoire vers un rôle de manager. Or cette évolution obligatoire est absurde à plus d’un titre : perte de l’expert pour ce qu’il sait faire, obligation de réaliser des missions où il n’est pas nécessairement motivé et bon… Pour éviter cela, le groupe Société Générale entend proposer des carrières d’experts techniques. Cela implique que l’expert soit valorisé et sollicité en tant que tel sur l’innovation ou sur la prise de décision. « Que le manager interroge l’expert avant d’aller se réunir avec les autres managers qui auront fait la même chose, c’est absurde, surtout si une question imprévue surgit : autant réunir directement les managers pertinents avec les experts » souligne Alain Voiment. Une telle approche implique qu’il puisse y avoir des experts mieux payés que leur manager. « Ca peut parfois friser les moustaches du manager concerné mais cela arrive et ce n’est pas un problème pour la banque » sourit Claire Gathier-Caillaud.

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