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Mathieu Ovaert (Nestlé) : « je suis là pour générer de la valeur, pas seulement financière »

Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance

Chez Nestlé France, première filiale du groupe agro-alimentaire mondial, l’IT et la data sont regroupées sous l’autorité du Chief Digital Officer (directeur général digital), Mathieu Ovaert.

Mathieu Ovaert est Chief Digital Officer (directeur général digital) de Nestlé France. - © Républik IT / B.L.
Mathieu Ovaert est Chief Digital Officer (directeur général digital) de Nestlé France. - © Républik IT / B.L.

Pouvez-vous nous présenter Nestlé France ?

L’entreprise a un siècle et demi ! La filiale française a été la première implantation du groupe, historiquement, à se trouver hors de Suisse. Aujourd’hui, la France est, pour Nestlé, le premier marché européen, le troisième au niveau mondial (après la Chine et les Etats-Unis). En France, Nestlé réalise 3,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires et a 9000 collaborateurs sur un siège et 16 usines. 40 % de la production réalisée en France est destinée à l’exportation.

Nous opérons dans les marchés des eaux (Vittel, Perrier…), du café (Nescafé, Nespresso…), du chocolat (Kit-Kat, Nestlé Dessert…) et, bien sûr, des laits infantiles.

Comment sont organisées les fonctions IT et data ?

L’IT et la data sont regroupées dans une seule direction générale, pour toutes les marques, toutes les implantations et toutes les activités, sous mon autorité. Nous mettons ainsi en œuvre une stratégie de synergies et d’unité qui nous permet de garantir une totale interopérabilité. Il ne faut pas oublier qu’il n’y a qu’un seul consommateur qui va acheter du chocolat, du café, etc. donc une seule activation data.

En termes d’architecture IT générale, quels ont été vos choix ?

Sur notre ERP SAP, nous avons encore du on premise. Notre migration S/4Hana dans le cloud est en cours. Pour l’heure, nous avons donc un cloud hybride.

Pour l’essentiel, notre SI repose sur deux clouds : d’une part Microsoft Azure pour le marketing, les sales, la BI et la bureautique collaborative (Office 365), d’autre part Google Cloud Platform pour la data.

Clairement, notre métier, chez Nestlé, n’est pas de gérer de l’infrastructure avec ses problèmes de disponibilité et de sécurité. Nous préférons donc confier ces aspects-là à des industriel de la technologie.

Votre activité est essentiellement B2B2C. En dehors des données standards de toute entreprise (SIRH, finances…), quelles sont les données que vous pouvez exploiter ?

En fait, notre activité est à 80 % en B2B2C, via nos partenaires distributeurs. Mais 20 % correspondent à Nespresso, via les boutiques ou en ligne.

La data que nous exploitons est d’abord issue de notre SI (SAP, données marketing…), comme tout le monde. Concernant la data consommateurs, nous avons avant tout des données de seconde main (Carrefour Links, Intermarché Aware…) : les distributeurs nous fournissent ainsi, via leurs filiales dédiées, des données anonymisées. Clairement, ce qui nous intéresse, c’est le comportement d’achat, pas que M. X achète une plaquette de Nestlé Dessert tel jour à tel endroit.

Nous avons une plateforme de relation clients, CroquonsLaVie.fr. Plusieurs millions de consommateurs s’y sont enregistrés pour bénéficier de services, d’informations et de promotions. Dans la logique du RGPD, nous échangeons les données personnelles contre des services.

Quels usages faites-vous des données collectées ?

Il y a deux grandes familles d’usages.

Tout d’abord, nous menons des analyses pour comprendre les comportements des consommateurs pour être plus pertinents sur notre offre. Par exemple, faut-il que j’augmente mon budget marketing sur telle offre à tel endroit ? Ces analyses nous permettent d’activer des campagnes marketing pertinentes grâce à notre connaissance clients. Avant, nous devions nous contenter des données des grands panels comme celui de Nielsen. Ces panels donnent une vision globale du marché et demeure malgré tout très utiles.

Par ailleurs, nous avons des actions de personnalisation en lien avec la vente directe B2C (couponing…). Le but reste, pour nous, d’accroître la part de la vente directe au-delà de Nespresso. Pour cela, il faut que nous nous reconnections avec notre consommateur.

Quels sont vos autres grands chantiers ?

Nous avons besoin d’accroître l’usage des données et plus généralement de l’IT pour mieux piloter notre transition environnementale. Il s’agit de, concrètement, savoir quoi faire pour baisser notre empreinte environnementale. Cela suppose, d’abord, de connaître et mesurer nos impacts puis de calculer les impacts de telle ou telle action et enfin de passer à l’action en sachant quoi faire et pour quel objectif.

Chez Nestlé, l’essentiel de l’impact est lié à l’achat de matières premières agricoles. De manière traditionnelle, nous mesurons la qualité des terres et les impacts des opérations menées sur celles-ci. De façon plus moderne, nous pouvons, par exemple, piloter et contrôler les usages et l’entretien des terres à partir de données satellitaires : rotation des cultures sur les sols, couverture végétale permanente, agro-foresterie (remettre des haies et des arbres dans les parcelles)… La data est massivement obtenue à partir des satellites et elle nous sert à prouver que les actions menées sont efficaces en matière de développement durable. C’est un bon exemple pour illustrer le grand rôle de l’IT et de la data dans la réduction de l’empreinte environnementale.

Un autre grand chantier est lié à l’intelligence artificielle générative (IAG), type ChatGPT, sans céder aux effets de mode. Une fois que l’on a les données de base, il est temps de se demander quels cas d’usages on peut tirer des IAG. Par exemple, il est impossible de prévoir en amont tous les cas possibles de demandes des consommateurs. Il faut donc pouvoir générer du contenu personnalisé, tant en texte qu’en image, à la demande et à la volée, en fonction de la sollicitation exacte du consommateur.

Je suis là pour générer de la valeur, pas seulement financière mais aussi « pour l’humanité », par la data. Mais je ne suis pas là pour jouer avec ChatGPT : la technologie doit être utilisée de manière pertinente.

Nestlé est une entreprise connue et réputée. La guerre des talents IT/Data est-elle malgré tout un sujet ?

Même chez Nestlé, oui, c’est un sujet. Côté data et IT, on ressent moins la pression de la pénurie depuis les grands plans de licenciements des GAFAM mais le problème persiste. Avec le déménagement du siège de Noisiel à Issy-Les-Moulineaux, nous nous sommes rapprochés des bassins d’emplois.

Et ce que nous faisons en termes de RSE a un impact évident : tous les candidats nous demandent du sens et du respect de l’environnement.

Nestlé n’est pas une entreprise de technologie numérique mais un industriel et un spécialiste du marketing. Il nous faut donc apprendre à gérer les carrières des talents IT/data qui nous rejoignent aujourd’hui.

Avez-vous d’autres défis ?

Mon premier défi, c’est de créer une feuille de route pour travailler avec les start-ups. Il s’agit, pour nous, de bénéficier de l’innovation issues de tout l’écosystème de start-ups et de la recherche. Comment collaborer ? Comment dépasser le stade du démonstrateur ? Nous avons déjà quelques belles réussites dans ce domaine (Kermap, Ekimetrics…). Mais tirer tout le profit possible de la créativité et des expertises des start-ups demeure un chantier.

Un deuxième défi serait ce que j’appellerais « le challenge de la simplicité ». Quand un consommateur achète un produit Nestlé, il ne doit pas y passer des heures. Il est indispensable que tout reste simple. C’est parfois la limite principale au déploiement des technologies innovantes.

Podcast : La data comme outil de pilotage des actions en faveur de l’environnement

Mathieu Ovaert, Chief Digital Officer (directeur général digital) de Nestlé France, revient dans ce podcast sur le rôle de la data dans l’amélioration de l’empreinte environnementale du groupe agro-alimentaire.


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