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Jérôme Dubreuil (Decathlon) : « il faut toujours construire une meilleure expérience client »

Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance

Chief Digital Officer du groupe Decathlon, Jérôme Dubreuil détaille la stratégie IT du distributeur et concepteur d’équipements sportifs.

Jérôme Dubreuil est Global CDO de Decathlon. - © Decathlon
Jérôme Dubreuil est Global CDO de Decathlon. - © Decathlon

Quelles sont les grandes lignes de l’architecture IT de Decathlon ?

Nous sommes full cloud depuis deux ans, essentiellement avec AWS et GCP. Comme nous sommes présents dans 70 pays, il nous faut parfois opter pour des acteurs locaux, comme Alibaba en Chine. Nous répartissons notre IT sur tel ou tel cloud selon la qualité et la richesse relatives des services proposés. Par exemple, pour l’IoT, nous avons déployé chez AWS.

Notre digital est organisé en trois couches. La première, c’est l’infrastructure, les fondations. Nous nommons la deuxième « core platform ». Il s’agit de briques développées en général en interne, de quoi outiller des processus métier, la connaissance client, le paiement, la gestion logistique, etc. Enfin, par dessus, nous avons la couche dédiée à l’expérience client et à la collaboration au travers d’applicatifs transactionnels, d’apps compagnons d’articles, d’applicatifs métiers…

A propos de Decathlon

Fondé en 1976, le groupe Decathlon rassemble aujourd’hui 108 000 collaborateurs avec 1750 magasins dans 70 pays dont 324 en France. Le groupe n’est pas que distributeur : Decathlon, conçoit, produit et distribue des articles de sport et des produits digitaux en contrôlant l’ensemble des processus. Par conséquent, il mène également de la recherche et du développement (par exemple en biomécanique pour optimiser les usages). La fonction IT est, pour l’essentiel, centralisée au niveau groupe dans l’entité Decathlon Digital.

Vous disposez d’un ERP SAP. Prévoyez-vous une migration S/4Hana ?

Actuellement, nous avons un SAP ECC 6 hébergé sur GCP. La migration globale vers S/4Hana est bien prévue, avec un déploiement sur deux à trois ans, d’autant que notre implémentation actuelle a une quinzaine d’années. Notre chaîne de valeur repose sur la supply-chain et c’est ce qui sous-tend toutes nos innovations et évolutions. La migration vers S/4Hana nous apportera une meilleure performance, de la modularisation et de nouveaux composants.

L’important est de toujours construire une meilleure expérience client. Par exemple, pour optimiser les stocks (éviter les ruptures…), il faut optimiser les composants des articles. Cela s’inscrit dans un plan plus global d’accroissement de notre performance opérationnelle avec des outils qui vont se connecter à l’ERP SAP, pas tous de SAP bien sûr, parfois même des développements internes conçus autour de la plate-forme de l’éditeur.

Dans vos métiers, qu’a changé la crise sanitaire Covid-19 ?

En interne, cela a évidemment changé nos modes de travail. Les équipes sont aujourd’hui davantage distribuées et les suites collaboratives ont bien sûr démontré leur utilité. L’accroissement du télétravail est clairement un acquis. D’une manière générale, nous avons rattrapé des entreprises digital native en franchissant un vrai cap sur notre propre digitalisation.

Côté clients, là encore, il y a une évidence : la montée du e-commerce. Si l’accent sur l’e-commerce s’est fortement développé, avec une place plus forte qu’avant la crise, nous constatons cependant un très fort retour en magasins en période post-covid. On peut dire que la crise sanitaire Covid-19 a fait de l’omnicanalité la norme. Aujourd’hui, passer se renseigner en magasin 1, commander en ligne et récupérer sa commande dans le magasin 2, c’est un processus d’achat tout à fait normal et courant.

Cette évolution nous oblige plus encore qu’avant à penser « expérience ». Il faut réfléchir à des problématiques comme « comment je vais rester en contact avec un client qui ne passe qu’une fois par an en magasin ». Nous y répondons avec, par exemple, les apps compagnons de nos articles connectés. Cet outil nous amène une vue globale du client et de ses usages au travers d’un dialogue continu avec les utilisateurs au fil de leur pratique sportive.

N’est-ce pas un peu trop intrusif ?

Il nous faut sans cesse démontrer que l’on est responsable dans l’usage des données personnelles visant à améliorer l’expérience client. Les vendeurs ont toujours été appréciés pour leurs bons conseils et l’accompagnement des clients. Les apps, finalement, poursuivent la même démarche en omnicanal, en digital.

Vous êtes à la fois concepteur-producteur et distributeur. Quelles sont les conséquences IT de ce double rôle ?

Tout d’abord, je tiens à rappeler que le digital a naturellement des apports sur toute la chaîne de valeur, pas seulement la supply-chain. Et le début de la chaîne de valeur, c’est la R&D, la conception, là où l’on travaille sur les produits innovants de demain.

Nous concevons des solutions digitales dès le départ de la chaîne de valeur et c’est le plus souvent fait en interne car nous sommes en avance. Elles nous permettent d’aller vite, d’innover en mode digital avec des maquettes numériques à la place de prototypes coûteux et longs à produire. Dès la conception, nous travaillons sur la taxonomie du produit afin de faciliter son futur référencement et sa découverte par le client. Enfin, le digital nous aide à réaliser un design écoresponsable : 100 % de nos produits seront écoconçus d’ici 2026.

Retrouvez Jérôme Dubreuil à l’IT Night

Jérôme Dubreuil est membre du jury de l’IT Night et sera donc amené à juger des projets présentés aux Trophées de cette soirée. Plus d’informations sur l’IT Night.

Quand on s’appelle Decathlon, la guerre des talents est-elle un sujet ?

Personne ne peut dire qu’il recrute sans difficulté. Ce qui nous complique la vie, c’est que nous mettons la barre très haute. Nous voulons des collaborateurs qui soient capables de créer du digital à notre échelle, qu’il s’agisse de juniors, d’intermédiaires ou d’experts. D’un autre côté, nous cherchons à l’échelle mondiale, pas seulement en Europe.

Quels sont vos prochains défis ?

Les talents, dont nous venons de parler, constituent évidemment un défi : nous allons recruter 600 personnes dans le monde en 2023 (au lieu de 400 en 2022).

Ensuite, il nous faut continuer de transformer l’entreprise afin d’optimiser les processus et ce que nous faisons pour les clients avec le digital.

L’amélioration de l’empreinte environnementale est un sujet fort pour Décathlon. C’est vrai d’une manière générale (par exemple dans la conception des produits) mais aussi dans le digital. Et le digital responsable, c’est au-delà de l’empreinte environnementale : il nous faut clairement expliquer aux clients ce que nous faisons, pourquoi et que nous leur garantissions la maîtrise et le contrôle de leurs données.


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