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AUFO : IA partout mais IA éthique et responsable


L’AUFO (Association des Utilisateurs Français de solutions Oracle) a réuni sa Journée le 4 novembre 2025 avec le soutien d’Oracle et un fort accent sur la thématique du moment, l’IA.

De gauche à droite, les deux co-présidents de l’AUFO : Yohann Garcia et Emmanuel Ruez.  - © Républik IT / B.L.
De gauche à droite, les deux co-présidents de l’AUFO : Yohann Garcia et Emmanuel Ruez. - © Républik IT / B.L.

Comme tous les ans, l’AUFO (Association des Utilisateurs Français de solutions Oracle) a réuni sa Journée le 4 novembre 2025. L’éditeur Oracle a assuré un soutien certain à l’organisation aux côtés de nombreux partenaires (Deep, Deloitte, Accenture, Capgemini…). Dans la foulée des nombreuses annonces du dernier Oracle AI World mi-Octobre à Las Vegas, le sujet de la Journée était évidemment autour de l’intelligence artificielle. Mais l’association a voulu insister sur la dimension humaine dans la thématique de sa journée : « IA éthique et responsable - Innovation et création de valeur ». Au delà de la plénière du matin, l’après-midi a été consacrée à des ateliers.

« Œuvrer sur la performance va avec se préoccuper des équipes » a soulevé Emmanuel Ruez, co-président de l’AUFO. La leçon a été apprise avec la taylorisation puis le Lean Management. Lorsque Larry Ellison a annoncé, il y a huit ans, le lancement d’Autonomous Database et la disparition prochaine des DBA, la communauté a été quelque peu surprise, a rappelé Emmanuel Ruez. Mais, de fait, les DBA n’ont pas disparu mais leur métier a changé. De même, l’IA ne fera pas disparaître des métiers mais tous seront sans doute transformés. Le co-président a aussi noté que, même si « le monde change, notre cerveau a aussi besoin de routines ». L’IA fait beaucoup rêver et parler. Pourtant, l’immense majorité des projets échouent, pas nécessairement sur la question technique. Yohann Garcia, co-président de l’AUFO, a ainsi indiqué : « la plupart des projets IA qui ne vont pas à l’échelle, échouent sur les objectifs métiers à cause d’une adoption défaillante. »

Mettre l’IA au service de la performance des entreprises

Aux côtés des deux co-présidents de l’association, Yohann Garcia et Emmanuel Ruez, Christophe Negrier, DG Oracle France, a pu revenir sur la vision de l’éditeur exprimée notamment au dernier AI World. L’éditeur peut se réjouir de voir aussi bien son chiffre d’affaires que ses résultats fortement progresser car « les clients nous apportent leur confiance ». Sur la base des contrats signés, le chiffre d’affaires devrait passer d’ici 2030 de 60 à 250 milliards de dollars. Oracle a fortement investi sur le Cloud mais n’était pas précurseur. Cette arrivée tardive a amené l’éditeur à cultiver sa différence. Il a notamment pointé que « depuis quarante ans, Oracle est responsable des données les plus critiques des entreprises ».

Pour les traiter, Oracle investit sur un giga-datacenter d’un demi-million de GPU qui sort actuellement de terre. L’engagement d’Oracle est d’accroître la performance pour une baisse des coûts globaux. Ce datacenter vise notamment à résoudre la principale raison d’échec des projets d’IA, à savoir que les données ne sont pas prêtes. « Pour créer un avantage compétitif, il faut entraîner les IA sur les données d’entreprise » a rappelé Christophe Negrier. Pour lui, il faut également multiplier les modèles d’IA pour les adapter à chaque usage, ce qui implique d’utiliser des plateformes multi-modèles. Ce qui se constate également, c’est que les gains de performance, notamment sur le développement informatique (de l’ordre de 20 %), ne débouche pas sur des réductions d’effectifs mais plutôt sur un accroissement du nombre de projets. Au-delà de l’impact évident sur la vie quotidienne, l’IA amène un « choc de productivité » que l’Université de Stanford a chiffré à +45 %.

L’éthique au cœur de la confiance

La question de l’éthique et de la confiance dans l’IA a été également l’objet d’une intervention de la professeure au département d’informatique de l’Ecole Polytechnique Sonia Vanier. Elle est directrice de l’équipe de recherche Orailix (recherche sur l’IA à l’X) et participe à l’enseignement de l’IA à Polytechnique. De plus, elle dirige deux chaires (programmes d erecherche), l’une avec le Crédit Agricole sur les IA éthiques, l’autre avec la SNCF sur l’IA et les mobilités. Elle a des partenariats avec des organisations externes comme l’AMIAD sur la Cybersécurité et Renault sur l’IA industrielle.

Le contrôle éthique est essentiel car l’usage des IA implique un certain nombre de risques : fuites de données, hallucinations, non-pertinence des modèles, cyber-attaques par prompts… Le travail conjoint des chercheurs et des entreprises est indispensable, selon Sonia Vanier, pour innover, créer de la valeur en évitant les risques. La table ronde qui a suivi son intervention a bien pointé la grande différence, à ce niveau, entre l’Europe où l’on veut une IA au service de l’humain, quitte à ralentir l’évolution en cours pour prendre le temps de la réflexion, et les Etats-Unis ou la Chine où la dimension humaine est négligée.

Une vigilance associée aux risques

C’est la raison pour laquelle il y a un AI Act en Europe mais pas aux Etats-Unis. Au sein de l’Union Européenne, de nombreuses pratiques sont ainsi strictement interdites comme la notation des citoyens (pratiquée en Chine) ou l’analyse d’émotion. Les pratiques à risques sont définies comme celles ayant un impact sur l’individu (par exemple le scoring de crédit enrichi par l’IA). Pour ces pratiques, l’IA doit être fiable, transparente et maintenue sous contrôle humain. Certaines pratiques doivent être annoncées, comme par exemple les vidéos générées par IAG qui doivent être signalées comme telles. L’AI Act sera totalement déployé d’ici 2027 et les contrevenants pourront être sanctionnés d’amendes à hauteur de 7 % de leur chiffre d’affaires mondial.

L’IFOP a mené une étude qui a été présentée par focus ponctuels. Si environ la moitié de la population utilise l’IAG, les utilisateurs sont conscients des risques. En premier lieu, il s’agit d’un risque sur la sécurité et la confidentialité des données. Peu derrière, l’atteinte aux droits à l’image ou d’auteur est également cité spontanément. Le tiercé de tête est conclu par la dépendance aux puissances étrangères. En termes d’usages, les plus fréquents sont la recherche post-moteur type Google (ce qui est objectivement une aberration car « il ne faut jamais faire confiance à une IAG »), gagner du temps, corriger ses propres fautes, accroître sa créativité et augmenter sa propre confiance par une discussion avec l’IA.

Jamais de projet d’IA en tant que tel

Laurent Lena, Directeur délégué Centres compétences ERP PeopleSoft chez Groupe SNCF, a apporté son témoignage. Pour lui, il n’y a jamais de projet IA en tant que tel mais toujours un projet d’usage de l’IA comme moyen dans un cadre métier. « Il n’y a aucun magiciel : il faut toujours exprimer des objectifs. » comme le dit Laurent Lena. L’IA peut ainsi servir à saisir des clés analytiques en comptabilité : il y a des millions de possibilités à la SNCF et l’IA peut être un bon guide. De même, l’IA peut extraire des données d’un document non-structuré pour renseigner des outils du SI. Autre témoin, Philippe Minier, DSI de Kaufman et Broad, est revenu sur son approche. Au sein du promoteur, la logique suivie est celle du gain rapide. Les démonstrateurs sont développés rapidement, testés par des utilisateurs clés puis améliorés en mode agile avec un nombre d’utilisateurs croissant. Pour lui, l’humain doit toujours être dans la boucle et une vingtaine de cas d’usages ont été développés : comparaison de devis pour les travaux de construction, analyse de contrats d’assurance…

Toan Nguyen, fondateur de l’éditeur de solutions d’assistance Shortways, et Emmanuel Ruez sont, pour leur part, revenus sur un baromètre d’adoption des solutions Oracle. L’IA est la révolution du moment, après bien d’autres comme Internet, et il y en aura évidemment d’autres ultérieurement. Mais si l’IA révolutionne le quotidien des utilisateurs, cela n’a pas été le cas du Cloud, transparent pour ceux-ci. Mais l’adoption demeure humaine. Or l’adoption des nouveautés comme l’IA n’est pas réellement satisfaisante, ce qui a un impact sur la satisfaction tant des utilisateurs que des managers. L’accompagnement et la formation aux outils peuvent suivre plusieurs schémas : la formation par des utilisateurs-clés, par mise à disposition d’une documentation ou en présentiel. Une fois une solution innovante déployée, les deux intervenants ont insisté sur le rôle essentiel du support.

Cloud, IA et génération de valeur

En marge de la Journée et des interventions planifiées, les deux co-présidents de l’AUFO, Yohann Garcia et Emmanuel Ruez, et la vice-présidente Hélène Napoly ont accepté de répondre à quelques questions complémentaires. Oracle mène une offensive marketing avec une offre de cloud européenne censée être protégée des aléas politiques d’Outre-Atlantique. « Les offres Oracle sont respectueuses avec un haut pourcentage des obligations de souveraineté mais ce n’est pas 100 % » a modéré Emmanuel Ruez. Mais, pour lui, une telle offre est adaptée à de nombreuses données. Il n’est tout simplement pas nécessaire de stocker en hébergement souverain toutes les données des entreprises. Selon leur sensibilité, il faut avoir des hébergements adaptés. Face aux risques d’espionnage économique, ce sont surtout, pour les entreprises, les informations sur les procédés (brevets…) qui doivent être protégées par un hébergement 100 % souverain. Pour s’adapter aux différents cas, il faut savoir tirer des bénéfices des différentes offres, plus ou moins souveraines. Pour Emmanuel Ruez, « se priver d’offres pas 100 % souveraines, c’est se priver de performance. Opter pour le 100 % souverain, c’est mourir en bonne santé parce que, certes, les données seront protégées mais l’entreprise ne sera pas compétitive. » Il faut donc, pour lui, tenir compte des offres innovantes et performantes.

Un problème récurrent chez de nombreux éditeurs est la complexité des tarifs. Mais, pour les responsables de l’AUFO, ce n’est pas le cas d’Oracle et les adhérents ne se plaignent pas. La « négociation » est simple : on prend ou on ne prend pas. Le tarif des solutions logicielles est à l’utilisateur, celui des solutions Cloud sont plus à l’unité opérationnelle. « Le modèle de facturation a acquis de la maturité » a estimé Hélène Napoly. Autre sujet récurrent chez les éditeurs d’ERP, c’est bien évidemment la facturation électronique obligatoire. L’AUFO a constitué un groupe de travail et bénéficie de retours d’autres pays en avance, comme l’Italie.

Enfin, le sujet de 2026 sera… l’IA ! En l’occurrence, il s’agira plutôt des agents IA. L’AUFO entend être un facilitateur du partage d’expériences. L’IA était source de nombreuses promesses mais la réalité est très en deçà, le différentiel étant considéré comme un inconnu source d’inquiétude. Pour Yohann Garcia, « il y a un gros potentiel d’optimisation des processus métiers avec une très forte création de valeur. »