Yves Tyrode (BPCE) : « la qualité des usages IA en fait la valeur »
Le groupe BPCE a présenté, le 19 novembre 2025, l’état de sa stratégie et de ses déploiements en matière d’intelligence artificielle.
Le 19 novembre 2025, Yves Tyrode, directeur général digital et paiements du groupe BPCE, a présenté à la presse l’état de la stratégie et des déploiements en matière d’intelligence artificielle au sein du groupe bancaire. A cette occasion, il a également fait intervenir divers responsables afin d’entrer dans davantage de détails. Au sein de BPCE, le plan stratégique Vision 2030 comprend en effet tout un volet consacré à l’intelligence artificielle autant au bénéfice des métiers (et du siège) que du réseau bancaire de proximité. S’il n’y a guère d’originalité dans la nature des projets, le groupe veut une IA effectivement utile avec une démarche pragmatique. Trois principes ont ainsi été posés en préalable : d’abord la sélectivité des projets (le groupe veut se focaliser sur des projets éthiquement acceptables et servant l’efficacité des opérations), ensuite la valeur des usages et enfin l’appropriation par les collaborateurs humains.
Le programme de formation « IA pour tous » a connu, sur ce dernier point, un réel succès. Ainsi, le groupe a atteint les 50 % d’appropriation par les collaborateurs avec un an d’avance (2025 au lieu de fin 2026). Quant à l’aspect transformant de l’IA, il est aussi financier : « pour un euro investi, nous voulons un retour d’un euro sous trois ans » a indiqué Yves Tyrode. Le premier type d’usages est bien sûr l’amélioration du service client sans effort supplémentaire de celui-ci. Mais il y a aussi de nombreux usages de back-office : lutte contre la fraude, alertes automatiques, RAG sur la documentation pour faciliter les recherches par les conseillers, résumé de rendez-vous, aide à la rédaction de courrier ou de contrat… Yves Tyrode a insisté : « la qualité des usages IA en fait la valeur ».
L’IAG au service de l’efficacité interne comme des clients
Aujourd’hui, l’IAG est la technologie ayant le vent en poupe, chez BPCE comme ailleurs. Le premier usage présenté par Emmanuel Puga Pereira, Chief Digital Officer du Groupe BPCE, concerne les clients. Un assistant dans l’application mobile permet ainsi une recherche d’aide en langage naturel. Le CDO a ainsi donné un exemple concret : « je veux que mes enfants puissent retirer de l’argent pour payer la cantine sans que je puisse leur donner ma carte bancaire ». L’outil permet une découverte des services répondant à ces problèmes concrets, ici le retrait avec code reçu par SMS à un distributeur du réseau BPCE. Emmanuel Puga Pereira s’est réjoui : « nous dépassons les 5000 conversations par jour avec plus de la moitié des actions suggérées qui sont effectivement choisies. » Devant ce succès, le service va être étendu à la clientèle professionnelle. En cumulé, plus d’un million de conversations ont déjà eu lieu. « L’assistant prend en charge les questions simples, les conseillers pouvant ainsi se focaliser sur ce qui a de la valeur » a relevé Emmanuel Puga Pereira.
Un chat interne généraliste, destiné aux collaborateurs, a également été développé depuis 2023 : MaÏA. Il peut être utilisé pour l’aide à la rédaction, à la synthèse ou même à l’analyse. Une bibliothèque de modèles de prompts a été mise en place au sein de sa documentation. Sur les 100 000 collaborateurs, la moitié sont utilisateurs réguliers avec une quarantaine de prompts en moyenne par mois. L’adoption est cependant variable selon les métiers, atteignant ainsi 95 % dans le paiement. La réalisation des synthèses de verbatims dans les enquêtes au sein de la clientèle a vu sa durée fortement réduite, passant de trois semaines à quatre jours. Selon Emmanuel Puga Pereira, les collaborateurs ne se laissent pas abuser et ont acquis, en plus de « l’art de prompter », un esprit critique sur le résultat.
Le conseiller « augmenté » par l’IA
Les conseillers, au sein du réseau des agences, sont évidemment aux premières loges des usages de l’IA. L’objectif, comme rappelé par Sonia Kaufman, directrice IA pour les Conseillers, est d’« augmenter » ceux-ci. Il s’agit d’accroître le temps disponible pour réellement conseiller les clients, augmenter l’accès assisté à la documentation et donc, au final, développer la performance. L’IA peut intervenir aussi bien en amont d’un rendez-vous client, pour le préparer, que pendant celui-ci (pour répondre à toutes les questions) et après (accompagnement à la rédaction d’un compte-rendu, repérage d’opportunités business futures…). La qualité du rendez-vous client est donc de ce fait augmentée. La même approche est adoptée en centre de contacts. Douze millions d’appels téléphoniques y sont traités chaque année dont un million traité automatiquement par l’IA.
Pour l’activité Assurances du groupe BPCE, l’IA est évidemment utilisée aussi pour la rédaction des comptes-rendus. La réalisation de ceux-ci était d’une qualité variable en plus d’être chronophage. L’IA a montré sa pertinence même si les conseillers révisent les textes générés : 85 % des comptes-rendus sont ainsi validés sans modification. Le délai moyen de traitement des demandes a baissé de 10 % et la satisfaction des conseillers s’est accrue. En quelques jours, le taux d’adoption a dépassé les 80 %. De la même façon, en banque de grande clientèle, l’IAG GeorgIA permet un accès simplifié à une énorme quantité de documentation via du RAG et facilite aussi les analyses de documents d’origines variées (bilans, articles de presse…). Actuellement, six cas d’usages ont été déployés dans cette activité (une quinzaine devrait l’être d’ici fin 2026) auprès d’une centaine d’utilisateurs.
Garantir la qualité de l’IA et amorcer l’agentique
Sur le plan technique, comme l’a rappelé Luc Barnaud, chief data & AI Officer du groupe BPCE, les solutions sont toutes déployées en interne. Elles reposent sur une quinzaine de LLM issus de quatre fournisseurs différents. D’un point de vue cybersécurité, tous les outils ont été revus par les experts cybersécurité du groupe bancaire. BPCE se veut exemplaire en matière de rigueur et de sécurité mais aussi sur ses choix de partenaires. L’architecture demeure hybride : les datacenters internes propres (avec une petite ferme de GPU) sont utilisés systématiquement pour les traitements les plus sensibles, les partenaires sur cloud pouvant être sollicités dans les autres cas. Qu’il s’agisse de Google Gemini, d’Anthropicn, d’OpenAI, de Mistral… BPCE n’utilise que malgré tout que des bulles sécurisées. De plus, les appels aux LLM peuvent être modifiés aisément afin de profiter des évolutions technologiques des uns ou des autres.
La prochaine étape, c’est bien évidemment l’agentique. Un béta-test est actuellement réalisé au sein de Oney Bank sur le crédit à la consommation. Le parcours client peut en effet être complexe, avec des tests de multiples hypothèses et le traitement classique ne donnait pas satisfaction. L’agentique permet d’explorer ces hypothèses en langage naturel. « Il s’agit de changer la manière dont les clients vivent leur expérience » a noté Renaud Ferran, directeur digital d’Oney. L’agentique pourrait êre ajoutée aux outils de paiement pour faciliter la vie aux acheteurs. Par exemple en créant une tâche d’achat d’une place de concert à l’ouverture des réservations au milieu de la nuit. Les travaux en cours visent à sécuriser le paiement.
Ethique, RSE… et IA
L’IA ne doit pas remettre en cause la confiance des clients ou la qualité de vie au travail pour les collaborateurs. Contrairement à Metlife France qui avait vu ses projets bloqués en justice, le groupe BPCE mène un dialogue social avec les instances représentatives du personnel dès le démarrage des projets et met en place un dispositif d’accompagnement et d’évolution pour ôter les irritants pour les collaborateurs. David Marchal, DRH adjoint du groupe, a insisté : « l’enjeu est que chacun gagne au déploiement de l’IA : gain de temps, gain en valeur de son travail,… » L’accord conclu avec les organisations syndicales vise à encadrer les usages.
Bien évidemment, l’impact environnemental est à prendre en compte dans tous les développements de l’intelligence artificielle. Mais pas seulement. Le numérique responsable se décline sur l’hébergement et la technologie (pour minimiser l’impact environnemental), la formation, les usages (éthiques…)…