Décideurs it

Les utilisateurs de SAP accumulent les sujets de mécontentement

Par Bertrand Lemaire | Le | Achat it

L’USF (association des Utilisateurs de SAP Francophones) a réagi aux annonces récentes de SAP en contestant les évolutions stratégiques et tarifaires de l’éditeur. Ce regain de tension intervient à quelques jours de l’événement majeur de l’écosystème SAP en France, la Convention de l’USF.

Gianmaria Perancin est l’actuel président de l’USF et du SUGEN. - © Républik IT / B.L.
Gianmaria Perancin est l’actuel président de l’USF et du SUGEN. - © Républik IT / B.L.

Les 11 et 12 octobre 2023, à Nantes, l’USF (association des Utilisateurs de SAP Francophones) tiendra sa Convention annuelle, l’événement majeur de l’écosystème SAP en France, qui réunit environ 3000 personnes sur deux jours. L’USF rassemble 3 600 membres issus de 450 entreprises (représentant 75 % du CAC40 et 66 % du SBF120) et 50 administrations ou établissements publics. Son président, Gianmaria Perancin, est également celui du SUGEN, le réseau international des dirigeants de clubs utilisateurs SAP. Et l’USF affiche désormais ouvertement son mécontentement sur les récentes annonces de SAP en termes de stratégie de feuille de route comme de tarifs avec un sujet focal, la prochaine facturation électronique obligatoire en France.

Dans l’interview d’Orlando Appell, directeur des opérations de SAP France, que nous avons publiée le 25 septembre, celui-ci a confirmé et détaillé certaines de ces prises de position en les contextualisant au marché français. Si l’USF ne peut contester que l’augmentation du tarif de la maintenance, premier sujet de discorde, reste inférieure à la moyenne du marché, c’est bien le contenu de l’offre de service ainsi payée qui pose souci. Les utilisateurs de SAP on premise seraient ainsi soumis à une « double peine » : augmentation des tarifs d’un côté, baisse du service de l’autre. L’USF dénonce notamment que le délaissement des utilisateurs on premise se confirme « suite à une première annonce au Sapphire en mai 2023, indiquant que désormais toutes les innovations des produits SAP seraient réalisées uniquement dans les versions cloud ».

Le nuage n’est pas le septième ciel

L’USF rappelle également que « la plupart des clients historiques de SAP utilisent toujours des versions on-premise, et n’ont à ce jour pas prévu de passer à des versions cloud ». La bascule cloud représente évidemment un coût important pour qui a investi depuis des années sur des versions on premise. Or, face à ce coût, se pose la question de la valeur d’une migration purement technique. Certes, c’est aussi un moyen pour l’éditeur de pousser à une autre migration : celle de ECC 6 vers S/4Hana. Mais, là encore, les utilisateurs freinent des quatre fers face à une valeur pas toujours évidente à démontrer, même si beaucoup d’entreprises ont commencé des migrations voire ont choisi une bascule accélérée comme Vinci Energies par exemple.

Bien sûr, les clients de SAP n’ont qu’une influence limitée sur la stratégie de l’éditeur qui est libre de choisir sa trajectoire technologique. Mais si le on premise est progressivement abandonné, les clients utilisant cette version n’ont aucune raison de voir s’accroître le coût d’un service qui se dégrade. « Si SAP décide de ne plus délivrer d’innovations dans ses produits on-premise, la seule alternative crédible pour l’éditeur est de proposer à ses clients une maintenance à un coût réduit, correspondant au service effectif rendu » souligne ainsi l’USF.

Facturation électronique : le divorce éditeur/utilisateurs

Les limites du service inclus dans la maintenance, dont le coût a donc augmenté, sont particulièrement soulignées dans le cas précis de l’évolution réglementaire liée à la facturation électronique obligatoire. L’USF dénonce même « une mécanique de shrinkflation », c’est à dire une réduction du service apporté associée à une augmentation du tarif. Dans son interview, Orlando Appell confirmait une prise en charge des évolutions indispensables dans le cadre du contrat de maintenance mais avec une limite : la transmission des flux. Pour l’éditeur, cette transmission est un nouveau service qui justifie la facturation d’un module dédié, DRC.

Cette conception est dénoncée par l’USF. La Commission Finance de l’USF et son groupe de travail sur la facturation électronique ont en effet analysé les propos d’Orlando Appell. Ces propos ont été corroborés lors d’une récente réunion de l’USF avec l’éditeur. Et, pour l’association, c’est le fait même de facturer ce module dédié à une évolution réglementaire qui ne peut pas être accepté : « SAP indique considérer que l’utilisation de DRC, pour des aspects pourtant réglementaires, doit être vue comme un nouveau flux, et donc soumis à un licencing complémentaire. L’USF ne cautionne pas cette vision, car cela voudrait dire que chaque nouveau flux correspondrait à un surcoût et qu’un flux pourtant nécessaire à cause d’une évolution de la réglementation, serait à payer en plus de » la maintenance qui a récemment augmenté. Pire, « DRC ne présentant que la connexion directe vers le Portail Public de Facturation (sans intermédiaires) », la prise en compte des PDP pose question.

Les utilisateurs d’ECC on premise « oubliés » par l’éditeur

Lors de sa réunion avec l’éditeur, l’USF a été outrée d’apprendre que les évolutions sur la version ECC seraient, de plus, limitées au strict minimum, à savoir quelques champs complémentaires indispensables pour la transmission des données de facturation électronique. Les fonctionnalités complètes ne seront, elles, développées que pour S/4Hana. Bien sûr, l’éditeur cherche ainsi à forcer la main à ses clients pour qu’ils migrent au plus vite vers la nouvelle version de son ERP. Et les clients n’apprécient pas cette tentative de coup de force. L’USF dénonce de ce fait une « séparation nette, opérée par SAP, entre développements pour ECC et ceux pour S/4HANA ». Plusieurs développements nécessaires à une prise en charge correcte de la facturation électronique obligatoire sont, de plus, douteux, « comme la transcodification des codes TVA SAP vers les codes TVA exigés par l’Administration française ». La conséquence pourrait être, selon l’USF, contre-productive pour l’éditeur : les clients seraient en effet obligés de réaliser des développements spécifiques qui complexifieraient et donc ralentiraient la migration d’ECC vers S/4Hana et du on premise vers le cloud.

Face à tous ces sujets de mécontentement, « l’USF rappelle aux clients en Enterprise Support à 22 %, qui chercheraient un moyen de limiter les coûts additionnels liés à cette hausse de la maintenance, qu’il est possible de passer en Support Standard à 19 % (en acceptant bien évidemment un service moindre), à condition de communiquer leur décision à l’éditeur dans les préavis indiqués contractuellement (généralement, au minimum trois mois avant la date anniversaire des contrats). » L’association tient cependant à rappeler qu’elle « se fait comme toujours l’écho de ses adhérents » et, bien sûr, reste « toujours ouverte à un dialogue constructif avec SAP, afin de trouver ensemble des solutions acceptables pour mieux satisfaire les attentes des clients de l’éditeur. »

L’ambiance à la prochaine Convention de l’USF risque donc d’être un peu électrique, l’éditeur y étant évidemment très présent comme partenaire majeur.


Sur le même sujet

- 25 septembre 2023 : SAP confirme son support en standard de la facturation électronique obligatoire

- 12 juillet 2023 : Gianmaria Perancin (USF) : « les réponses de SAP sur la facturation électronique nous inquiètent »

- 2 septembre 2023 : Convention USF 2023 : les crises, accélérateurs de transformation

- 3 février 2023 : Facturation électronique obligatoire : simplification pour les entreprises et Etat data driven.

Républik IT est partenaire de la Convention des Utilisateurs SAP Francophones (USF), les 11 et 12 octobre 2023 à Nantes.