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Stéphane Boulanger (PMU) : « nous avons rénové la maison en l’habitant »


PMU (Pari Mutuel Urbain), issu de la loi du 2 juin 1891, disposait d’un système d’information Legacy qui a été totalement refondu. Stéphane Boulanger, DSI de PMU, nous explique les tenants et aboutissants de cette refonte.

Stéphane Boulanger est DSI du PMU. - © Républik IT / B.L.
Stéphane Boulanger est DSI du PMU. - © Républik IT / B.L.

Pouvez-vous nous présenter le PMU ?

Aujourd’hui, PMU est une Tech Company ! Nous opérons en effet 1,7 milliard de transactions par an avec des pics à 2 000 transactions par seconde. Parmi nos 1100 collaborateurs, 400 travaillent à l’IT. Nous avons un Black Friday tous les quarts d’heure car, tous les quarts d’heure il y a un départ de course !

PMU est un GIE entre nos deux sociétés mères, Le Trot et France Galop, qui, elles, organisent les courses. L’activité historique du PMU est la prise de paris sur les courses hippiques. Nous avons aujourd’hui également des activités dans le pari sportif et le poker en ligne.

La filière hippique en chiffres

PMU soutient fortement la filière hippique en France au travers d’une contribution nette de 837 millions d’euros auxquels s’ajoutent les 782 millions d’euros reversés à l’État sous forme de taxes sur les paris (chiffres 2024). La contribution à la filière se décompose en deux parts similaires reversées respectivement à la Société du Trotteur Français et à France Galop.

La filière hippique comprend 233 hippodromes actifs. Elle représente 40 000 emplois dont 30 000 directs. 25 000 chevaux de courses s’entraînent en France.

Chaque jour, en moyenne, il y a plus de 4 millions de paris dont 565 000 sont gagnants. En 2024, on compte 218 gains à plus de 100 000 euros.

75 % des montants des paris sont reversés aux joueurs (soit 6,8 milliards d’euros), 9 % financent la filière hippique et 3 % représentent les charges de personnel et d’exploitation. 85 % des enjeux sont réalisés dans les 14 200 points de vente.

Quelle est votre organisation IT ?

En tant que DSI, je suis directement rattaché à la direction générale et membre du ComEx.

La DSI comprend cinq directions clés : technologie & innovation (sous l’autorité du CTO, incluant data et IA), sécurité & SI corporate, opérations IT, train SAFe « prise de paris » / opérations et, enfin, train SAFe clients et partenaires.

Dans notre réseau de distribution de 14 200 points de vente dans 6 000 communes, nous gérons plus de 25 000 équipements (bornes de prises de paris…).

Sans SI, il n’y a pas de business. Pour qui est passionné d’IT, l’endroit où il faut être, c’est le PMU !

Nous sommes en situation de monopole sur la prise de paris hippiques en points de vente et hippodromes mais, sur le on-line, nous sommes en situation de concurrence. Nous avons donc l’obligation d’agir comme des leaders et actifs.

Nous allons parler refonte. Mais, pour commencer, quelle était l’architecture d’origine ?

Il y a six ans, nous avions un SI Legacy à base de Cobol issu du Mainframe. C’était certes très robuste mais cette architecture limitait la réactivité et l’évolutivité. Il s’agissait de des gros monolithes solides mais difficiles à bouger. De la même façon, les terminaux en points de vente étaient en mode « client lourd », rendant le moindre déploiement compliqué. Dans cette architecture d’origine, le SI Finance était structuré à base de logiciels propriétaires comme l’ERP Oracle. Bien sûr, tout était on premise dans nos propres datacenters.

Pour prendre une image hippique, nous faisions courir des chevaux avec des fers en bois.

Pourquoi vouliez-vous tout casser ?

Il nous fallait structurer le SI par rapport à notre plan stratégique dans un marché concurrentiel. Il nous fallait faire évoluer nos offres, offrir des expériences de jeux au niveau attendu, en mettant le client au centre de nos processus. La première question était : comment bien structurer notre SI ?

Le SI était devenu un frein à notre activité. Toute évolution était compliquée et chère. Il nous fallait gagner en agilité et nous positionner comme un acteur multijeux innovant.

Enfin, l’obsolescence technique croissante était en soi porteuse de risques.

Quelle est l’architecture cible ?

Il s’agit de disposer d’une architecture moderne et agile pour s’adapter à un marché très évolutif.

Notre approche est donc agile à base de micro-services avec une infrastructure cloud chez Amazon Web Services.

Notre approche a consisté à réécrire le monolithe via des micro-services. Aujourd’hui, nous sommes en capacité de mettre en production plusieurs fois par jour !

L’un de nos objectifs était de faciliter l’omnicanalité en point de vente. Aujourd’hui un client peut générer un pari sur son application et terminer sur la borne via un QR Code.

Retrouvez le PMU sur le Club du 2 septembre 2025

Le Club CTO du 2 septembre 2025 sera sur le thème « Refonte IT : tout casser pour tout reconstruire (ou pas) ». PMU viendra y témoigner de son approche.

Informations et inscription.

Comment procédez-vous ? Avez-vous opté pour un Big Bang ?

Non, nous avons réécrit des ensembles fonctionnels cohérents, nous recherchons des états stables

Nous n’avons pas procédé à une migration mais à une digitalisation complète des processus métiers. La simplification de chaque processus a toujours précédé la refonte technique.

Pour nous, l’observabilité est clé. Il faut que nous détections les problèmes avant les clients. Nous devons garantir une expérience client exceptionnelle. Et, bien sûr, nous devons limiter notre empreinte environnementale en basculant nos datacenters dans le cloud.

Où en êtes-vous ?

Aujourd’hui, nous sommes dans la dernière ligne droite. Nous menons tous ces projets de front et cette transformation positionne PMU à l’avant-garde du secteur et renforce notre statut de leader technologique.

En avril 2024, nous avons changé refondu le SI Finance avec notamment un nouvel ERP en passant sur Microsoft Dynamics. La comptabilité opérationnelle a basculé en janvier 2025 et la rémunération des points de vente basculera en septembre 2025.

Nous sommes en train de changer les équipements en points de vente avec 11 000 nouvelles bornes qui sont désormais des clients légers standards du point de vue informatique.

Nous avons également refondu les interfaces client, sur les bornes et sur les terminaux des partenaires des points de vente.

Notre SI cœur de métier est en cours de migration, avec les paris online migrés vers le cloud en mars dernier et plusieurs autres paliers pour le reste des paris. La migration sera achevée en 2026.

Quels sont les facteurs clés de succès ?

Nous avons rénové la maison tout en l’habitant. Cela implique que jamais il n’a fallu considérer que les refontes étaient des sujets uniquement IT.

Pour réussir, il faut, pour commencer, avoir des objectifs clairs. En l’occurrence : Donner les moyens à l’entreprise d’atteindre ses objectifs stratégiques

Ensuite, je veux citer plusieurs facteurs clés de succès : obtenir un sponsoring de très haut niveau (en l’occurrence de notre DG et de notre Conseil d’Administration), avoir une organisation adaptée (le mode produit implique de disposer de product owners et de product managers), internaliser les compétences stratégiques… Il nous a fallu garantir l’alignement stratégique constant et une planification fine tout au long des projets. PMU a la chance d’avoir une forte culture de l’innovation en interne. Cybersécurité et observabilité sont des facteurs essentiels de succès.

Nous avons adopté le framework SAFe parce qu’il permet de répondre à nos enjeux.

L’internalisation des compétences clés est une politique qui a été validée par la direction générale. Nous avons notamment procédé à une centaine de recrutements pour remplacer une partie des externes.

Évidemment, la gestion du changement, qu’il s’agisse des ressources humaines, des outils ou des processus, est essentielle. Elle doit se baser évidemment sur la formation. Notre transformation, notamment l’omnicanalité, a un impact direct sur nos partenaires distributeurs. Il nous faut accompagner nos partenaires dans ce changement, en nous appuyant sur la direction du réseau commercial, pour montrer les améliorations en matière d’expérience clients. Par exemple, notre datahub amène de la data à nos canaux de distribution. Et les bornes de nouvelle génération sont trente fois plus puissantes que les anciennes.

Nos collaborateurs ont pris l’habitude de raconter notre transformation de l’intérieur ; ils ont notamment créé un blog PMU Tech. Cela sert bien sûr notre marque employeur.

Quels sont vos autres projets ? Avez-vous des projets en matière d’IA ?

Notre approche de l’IA est pragmatique avec, toujours, en objectif la création de valeur business, essentiellement autour des sujets d’expérience client (par exemple pour combattre l’attrition).

Nous avons mis en place le ChatPMU. Il s’agit d’un assistant virtuel déployé depuis plus d’un an pour faciliter l’accès à l’information (à base de RAG) et permettre aux collaborateurs de générer des contenus (à base de Claude 3.5 et de Bedrock sur AWS).

Quels sont vos défis pour les mois et années à venir ?

Tout en finalisant nos déploiements, il nous faut continuer à innover pour nos clients afin de les conserver et d’en conquérir de nouveaux. Nous entrons dans la dernière phase et nous devons continuer à innover et à travailler la personnalisation de l’expérience client, sur tous nos canaux de distribution.

Podcast - Comment le PMU a refondu son IT en évitant le risque du Big Bang

Acteur traditionnel du jeu d’argent (pari hippique, pari sportif et poker en ligne), PMU est devenu une « tech company » qui gère jusqu’à 2000 transactions par seconde. L’entreprise a fait le choix de tout casser pour reconstruire, passant d’un monolithe Mainframe/Cobol à des architectures modernes pour remettre le client au centre, innover et gagner en évolutivité et agilité. Stéphane Boulanger, DSI du PMU, nous explique comment l’entreprise a procédé en évitant un Big Bang afin de garantir la continuité d’activité.