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Mathieu Weill (Ministère de l’Intérieur) : « nous avons beaucoup de projets d’IA à fort impact »

Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance

Régalien et parmi les plus vastes, le Ministère de l’Intérieur se transforme par le numérique. L’IA, mise en avant au SIAMI 2024 (Salon de l’Intelligence Artificielle au Ministère de l’Intérieur), en est un des aspects. Mathieu Weill, Directeur de la Transformation Numérique, secrétaire général adjoint chargé du numérique, administrateur ministériel des données, des algorithmes et des codes sources (AMDAC) au Ministère de l’Intérieur, explique les approches et stratégies adoptées dans cette administration.

Mathieu Weill est Directeur de la Transformation Numérique, SGA et AMDAC au Ministère de l’Intérieur - © Républik IT / B.L.
Mathieu Weill est Directeur de la Transformation Numérique, SGA et AMDAC au Ministère de l’Intérieur - © Républik IT / B.L.

Quels sont les rôles du Ministère de l’Intérieur et pouvez-vous nous le présenter plus largement ?

Le Ministère de l’Intérieur a bien évidemment une première dimension essentielle qu’est l’ordre public et la sécurité des citoyens (police, gendarmerie, sécurité civile…). La deuxième dimension concerne un certain nombre de politiques hautement régaliennes : titres d’identité, étrangers en France, associations, vie démocratique (élections…), etc. Le Ministère de l’Intérieur est par nature un ministère des politiques du quotidien sur l’ensemble du territoire et avec une très forte déconcentration, notamment au travers du réseau des préfectures.

Nous avons 300 000 agents sur l’ensemble du territoire français dont 150 000 policiers et 100 000 gendarmes. Nous avons donc finalement très peu d’agents administratifs en regard de notre grand nombre de missions : c’est un ministère qui s’est beaucoup réformé avec une forte réduction d’effectifs et une très importante digitalisation.

Puisque l’on parle de réforme et de transformation, votre titre est « Directeur de la Transformation Numérique » alors que la plupart des « DSI » de ministères portent le titre de « Directeur du Numérique ». Pourquoi cette différence ?

Cette différence est liée au fait que nous voulons insister sur le fait que nous ne sommes pas qu’un fournisseur de solutions mais que je suis aussi mandaté pour discuter avec toutes les directions pour transformer les process du Ministère, y compris sur le plan métier. J’ai même un devoir d’initiative. Notre direction est légitime à proposer des transformations métier. Pour prendre un exemple récent, à l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques, nous sommes intervenus sur la méthodologie de gestion de crise.

Le périmètre de la DTNum est vaste : il va du support de proximité du quotidien à l’hébergement (y compris le Cloud Pi) ou aux applications métiers. A cause de son origine historique qui concernait la continuité du commandement, elle a aussi une forte dimension réseaux/télécoms.

En tant que secrétaire général adjoint chargé du numérique, je pilote l’ensemble du numérique et l’ensemble de ses acteurs. Cela inclut bien sûr la DTNum mais aussi, par exemple, l’Agence du Numérique des Forces de Sécurité de l’Intérieur (qui travaille notamment sur la convergence des outils gendarmerie/police) ou l’Agence du Numérique de la Sécurité Civile.

Enfin, je suis aussi administrateur ministériel des données, des algorithmes et des codes sources (AMDAC) au Ministère de l’Intérieur, c’est à dire Chief Data Officer, au titre de mon rôle de secrétaire général adjoint.

Mathieu Weill, DTNum du Ministère de l’Intérieur, a un rôle dans la transformation globale des processus métiers. - © Ministère de l’Intérieur
Mathieu Weill, DTNum du Ministère de l’Intérieur, a un rôle dans la transformation globale des processus métiers. - © Ministère de l’Intérieur

Quelles sont les grandes caractéristiques de votre système d’information ?

Nous utilisons, bien sûr, largement notre Cloud Pi, qui a aujourd’hui une dizaine d’années. La plupart des applicatifs du Ministère y ont migré. Nous avons aussi recours à quelques hébergements SecNumCloud pour de la pré-production, de l’expérimentation, quelques applicatifs ouverts sur l’extérieur et peu sensibles…

Les quelques applicatifs les plus sensibles (autour de la gestion des titres d’identité par exemple) sont dans des écosystèmes dédiés cloisonnés même si, physiquement, ils sont sur Pi. Au Ministère de l’Intérieur, il n’y a pas de « Grand Tout » où tous les applicatifs seraient hébergés en vrac.

Avec Pi, nous sommes hébergeurs de systèmes sensibles pour le compte d’autres ministères, ce qui implique de ce fait de stricts cloisonnements. On en peut pas imaginer, par exemple, de connexion entre des systèmes du Ministère de la Justice destinés aux magistrats et ceux de la police.

Côté bureautique, nous sommes essentiellement en Libre Office. Nous sommes en train de renouveler notre messagerie à partir de l’outil interministériel. Si la plupart des postes de travail sont sous Windows, ceux des gendarmes sont sous Linux. Nous avons mené un gros investissement sur le nomadisme. La dotation de base, aujourd’hui, est le NoéMi, un ordinateur portable.

Un point important à comprendre concernant le Ministère de l’Intérieur, c’est que tout ce que nous faisons est tout de suite à grande échelle. Quand c’est un service pour les citoyens, c’est tout de suite des millions d’utilisateurs. Et, en interne, c’est toujours pour des milliers d’agents.

Le 8 octobre 2024, vous avez organisé le SIAMI 2024 (Salon de l’Intelligence Artificielle au Ministère de l’Intérieur). Pourquoi une telle initiative ?

En réalité, nous avons depuis très longtemps beaucoup d’initiatives autour de l’IA, notamment chez les Gendarmes, dans les SDIS… L’idée était de présenter tout cela sous une bannière commune, de montrer que nous avons beaucoup de projets d’IA concrets à fort impact.

Par exemple, nous utilisons l’IAG pour la retranscription d’auditions. Nous avons un gain de plusieurs jours.agents par audition ! Nous avons aussi une détection par IA d’accidents cardiaques lors d’un appel d’urgence.

Le SIAMI vise aussi à séduire les écoles, c’est à dire nos futurs talents.

En interne, il s’agissait de montrer que nous avons une feuille de route claire pour pouvoir accélérer. En distanciel vidéo, il y a eu un millier de participants et, en présentiel, environ 200 avec une trentaine de stands.

Le SIAMI a permis beaucoup d’échanges intéressants et une consolidation d’une dynamique déjà bien lancée.

Vous avez déjà évoqué le Cloud Pi. Où en est cette infrastructure qui, de fait, est aujourd’hui d’usage trans-ministériel ?

Aujourd’hui, nous en sommes à la deuxième génération du IaaS qui constitue une offre très standard basée sur Red Hat Open Stack.

Actuellement, nous travaillons à la stabilisation d’un PaaS. Il s’agit d’une couche d’usine logicielle DevSecOps à base de briques libres et baptisée Pi Native. Cette offre est actuellement disponible et héberge d’ores et déjà une vingtaine de projets. Nous formons et certifions des agents de différents ministères et même des prestataires sur Pi Native.

Petit à petit, nous montons dans les couches. Cela nous permet de travailler sur l’automatisation de procédures de sécurité très exigeantes, y compris au bénéfice d’autres ministères.

Nous formons d’ailleurs aussi les agents à SAFe.

Au Ministère de l’Intérieur, nous aurons toujours un hébergement propre. De ce fait, nous avons l’obligation d’investir pour garder Pi à l’état de l’art si nous ne voulons pas tirer vers le bas tout le numérique ministériel.

Il semblerait que tout le monde soit heureux du bilan des Jeux Olympiques et Paralympiques. Même le Ministère de l’Intérieur ?

Il ne faut pas en rajouter car, en cybersécurité, on remet toujours son titre en jeu tous les jours, mais nous pouvons être contents, oui. Tout a résisté, non seulement aux attaques mais aussi à la croissance des usages légitimes.

Nous savions que nous serions très exposés.

Ce qui a porté ses fruits, ce sont les deux années de préparation et d’investissements. Tous les sportifs le savent, qu’ils aient ou non participé à Paris 2024 : les bons résultats supposent un bon entraînement. Avec les travaux nécessaires, notamment les mises-à-jour techniques, le numérique des JOP a représenté, pour nous, un investissement de plus de vingt-cinq millions d’euros.

Evidemment, maintenant, il faut poursuivre… En cybersécurité, il suffit d’une faiblesse à un petit moment pour tout perdre.

La Guerre des Talents est-elle un souci pour le Ministère de l’Intérieur, notamment pour vos services administratifs ?

Les talents, c’est le nerf de la guerre. Je préfère cela à « guerre des talents ». C’est évidemment un enjeu pour lequel nous nous mobilisons depuis deux ans. De ce point de vue, nous avons une très bonne collaboration avec la DRH pour garantir la fluidité des recrutements et des parcours dans la filière numérique.

Si vous rentrez au Ministère de l’Intérieur, vous pourrez avoir une carrière très riche car nos métiers sont très divers. Vous aurez aussi la possibilité de partir en province. Le but est d’éviter que les talents numériques partent au bout de deux ans, simplement pour changer.

Pour terminer, quels sont vos défis pour 2025 ?

Notre défi constant, pas seulement pour 2025, c’est bien sûr de rester focalisé en permanence sur le service aux citoyens et aux agents. Nous devons leur faire gagner du temps, leur faciliter la vie. Par exemple, nous pouvons être fiers de la plainte en ligne : c’est un énorme gain de temps et une facilitation autant pour les agents que pour les victimes.

Le « T » de la DTNum vaut aussi en interne ! Nous aussi nous devons nous transformer. En particulier, nous devons davantage passer en mode produit et éviter toute dette technique.

Notre slogan, c’est « développons demain » !

Podcast - La transformation numérique du Ministère de l’Intérieur : une démarche co-construite

Le Ministère de l’Intérieur est, d’une part, le ministère de l’ordre et de la sécurité publique, d’autre part celui d’un grand nombre de missions régaliennes. Sa « DSI » est une Direction de la Transformation Numérique. Le choix de ce nom a une justification claire qu’explique Mathieu Weill est Directeur de la Transformation Numérique, SGA et AMDAC au Ministère de l’Intérieur.

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