Décideurs it

Marie Gepel (TechnipEnergies) : « nous voulons donner aux métiers les outils de leur autonomie »

Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance

TechnipEnergies vise à favoriser la transition énergétique en « rapprochant la molécule et l’électron ». Marie Gepel, vice-présidente Digital Transformation chez TechnipEnergies, nous explique ici le rôle de la data pour cela.

Marie Gepel est vice-présidente Digital Transformation chez TechnipEnergies. - © Technip
Marie Gepel est vice-présidente Digital Transformation chez TechnipEnergies. - © Technip

Pouvez-vous nous présenter TechnipEnergies ?

Technip Energies est un groupe international d’ingénierie et de technologie leader des solutions durables pour la transition énergétique. Nous concevons et construisons des usines et solutions énergétiques pour nos clients, en maîtrisant l’ingénierie, le management de projets complexes, les achats, la construction et les technologies comme le liquéfaction du gaz naturel, l’hydrogène, l'éthylène ou la capture du carbone. Certains de nos projets, vendus au forfait, nous engagent sur une dizaine d’années, ce qui illustre l’excellence de Technip Energies sur l’ingénierie et la gestion de projet.

Notre groupe est issu d’un spin-off après fusion entre l’ancien Technip et l’américain FMC. TechnipFMC est spécialisé dans l’ingénierie du parapétrolier.

TechnipEnergies compte 15 000 collaborateurs dans le monde, principalement des ingénieurs, et mon travail en tant que vice-présidente de la transformation digitale consiste à améliorer l’efficacité, la productivité et la durabilité dans l’ensemble de l’entreprise grâce à l’intégration des technologies numériques.

Justement, comment sont organisées les fonctions IT et data chez Technip Energies ?

La data est au cœur de notre transformation digitale, c’est pour cela que je suis également en charge du data office. Celui-ci assure quatre missions : définir la stratégie data de l’entreprise avec les parties prenantes, en accord avec le plan de transformation digitale ; sélectionner et piloter par la valeur l’implémentation de nouveaux cas d’usages data et IA ; orchestrer la gouvernance des données et accompagner la définition, l’accès et la mise en qualité de notre patrimoine data ; et enfin mener des actions d’acculturation et de formation des collaborateurs à la data et l’IA.

Nous travaillons en étroite collaboration avec notre direction IT qui définit notre architecture data, l’ingestion des données dans notre data platform et l’industrialisation des cas d’usages.

Pour des besoins de développement de produits digitaux, nous nous appuyons sur notre digital factory, qui est rattachée comme moi au directeur de la stratégie du Groupe, membre du comité exécutif.

L’IT est centralisée. Mais la data est davantage une communauté de data scientists où nous partageons les outils, les méthodes, les modèles… Les data scientists sont rattachés aux directions métiers. Au niveau du data office groupe, nous voulons donner aux métiers les outils de leur autonomie.

Précisément, quand on parle de data chez TechnipEnergies, de quoi s’agit-il exactement ?

Nous travaillons sur trois types de données principaux. En premier lieu, nous traitons les données des projets que nous réalisons pour nos clients, qui peuvent être des données d’ingénierie, de qualité, de construction (CAO et BIM)… Nous avons développé un outil maison, Easy Plant, pour gérer nos projets de construction, notamment pour modéliser en 3D chaque usine et savoir identifier chaque pièce.

Ensuite, nous avons les données des fonctions support comme les achats, la finance, les RH, la direction commerciale. Enfin, nous traitons des données externes, achetées ou disponible en open source, comme, par exemples, les données financières de Dun & Bradstreet qui nous permettent de mieux qualifier nos bases de données clients et fournisseurs, des données météo pour planifier certaines opérations en mer, des données environnementales ou de bio-diversité dans la mise en oeuvre de notre stratégie de développement durable.

La directive CSRD (Corporate Sustaiability Reporting Directive) nous amène un nouvel enjeu supplémentaire. Il s’agit en effet de construire du reporting extra-financier à partir des données RSE / ESG avec un niveau de qualité qui doit être du même ordre que le reporting financier. Or la maturité vis-à-vis des données RSE n’est pas du tout la même que pour les données financières. Nous avons donc une obligation de collecter, standardiser, mettre en qualité des données extra-financières. Pour mener les calculs du Scope 3, il nous faut standardiser les données au niveau de l’écosystème. Et je suis convaincue que cette obligation réglementaire va représenter un formidable opportunité pour développer de nouveaux cas d’usages.

Retrouvez Marie Gepel aux journées Républik Data

Marie Gepel fait partie du Comité de Pilotage des journées Républik Data qui se dérouleront mardi 13 et mercredi 14 juin 2023 à l’Hôtel Barrière Le Royal à Deauville. Vous pourrez la rencontrer sur place. Renseignez-vous et inscrivez-vous ici.

Du coup, quels projets menez-vous avec les datas pour quels usages et avec quelles technologies ?

La majorité de nos projets digitaux croisent différents types de données et différentes technologies. Je vais prendre trois exemples significatifs.

Nous utilisons des données de planning, d’achats, de logistique et de météo dans un algorithme de recherche opérationnelle sous contraintes afin d’optimiser la trajectoire des navires qui acheminent le matériel sur le chantier. Un logiciel de simulation permet ensuite de tester différents scenarii qui nous permettent à la fois de réduire les coûts de transport et les émissions de CO2.

En utilisant des algorithmes de machine learning sur notre base historique achats, et en les enrichissant avec des données fournisseurs et des données de marché, nous parvenons à optimiser nos stratégies d’achat et nos marges de négociation.

Enfin, dans le cadre de notre offre BirdVIGI qui avait remporté un prix à la Nuit de la Data, nous appliquons des algorithmes de prédiction à des données de migration des oiseaux pour réduire l’intensité lumineuse des plateformes offshore, lors du passage des migrateurs, afin de ne pas les perturber dans leur migration et ainsi contribuer à préserver la biodiversité.

Nous travaillons également sur la création de jumeaux numériques de nos usines pour optimiser leur fonctionnement. Nous nous appuyons pour cela sur l’usage de capteurs, de drones et de computer vision pour des besoins d’inspection en zones difficilement accessibles. Nous utilisons également de la visual intelligence pour des besoins de formation ou d’intervention à distance. Et nous explorons également l’IA générative pour les réponses aux appels d’offres…

Bref, la data et le digital sont totalement imbriqués dans nos process et concernent l’ensemble de nos collaborateurs.

La guerre des talents est-elle un sujet pour vous ?

Oui, bien sûr, comme tout le monde. Et plutôt que d’entrer en guerre, nous avons choisi de privilégier la formation interne. Nous avons formé une première promotion de 20 data scientists, et nous sommes en train de recruter la prochaine promotion.

Cette formation est ouverte à tous les employés, sur la base du volontariat. En 2022, sur plus de 270 candidats, nous en avons sélectionné 20 à la fois sur leur pré-requis en termes de connaissances et de développement sous Python, mais nous cherchons aussi à favoriser une diversité en terme de genre, de discipline et d’implantations à travers le monde.

Ce qui nous intéresse, c’est à la fois cette double compétence dont ils vont disposer en ajoutant compétence data et connaissance métier. Ils vont ainsi pouvoir appliquer les techniques de datascience à leur discipline d’origine (ingénierie, process, finance, RH…). Et puis nous souhaitons aussi en faire des ambassadeurs dans leur discipline et dans leur pays afin d’identifier et travailler sur des cas d’usages à forte valeur ajoutée.

Quels défis vous restent-ils à relever ?

Les défis sont encore nombreux. Le premier est de continuer à former nos collaborateurs et faire de la data le sujet de tous, pour pouvoir mieux identifier les usages stratégiques et surtout y allouer les ressources nécessaires.

Ensuite nous devons encore améliorer notre modèle opérationnel afin de gagner en capacité et en vélocité dans les phases de prototypage et d’industrialisation de nos cas d’usages.

En conclusion, la route est encore longue mais elle est incroyablement passionnante !