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Jean-Yves Brenier (Sonepar) : « je ne suis pas contre le shadow IT maîtrisé »


Le distributeur B2B de matériel électrique Sonepar mène sa révolution digitale avec la facturation électronique en ligne de mire. Jean-Yves Brenier, vice-président transformation et IT de Sonepar France, explique sa stratégie et ses approches.

Jean-Yves Brenier est vice-président transformation et IT de Sonepar France.  - © Républik IT / B.L.
Jean-Yves Brenier est vice-président transformation et IT de Sonepar France. - © Républik IT / B.L.

Pouvez-vous nous présenter Sonepar en France ?

Sonepar France est le berceau du groupe familial de distribution de matériel électrique B2B Sonepar. Nous en sommes une filiale à 100 %. Si le groupe est présent dans une quarantaine de pays et génère un chiffre d’affaires de l’ordre de 32 milliards d’euros, Sonepar France a 4900 collaborateurs et génère un chiffre d’affaires de 2,5 milliards d’euros. Nous avons quatre cents agences généralistes, une centaine de spécialisées (courant faible, climatisation, photovoltaïque…) et six centres logistiques.

Nous intervenons sur trois marchés : le résidentiel, le tertiaire et l’industrie. Nous sommes un distributeur exclusivement B2B. Nos 130 000 clients vont de l’artisan électricien aux grands acteurs de la construction et des services.

Comment êtes-vous organisés au niveau IT ?

Historiquement, Sonepar a procédé par rachats d’activités pour alimenter sa croissance, notamment à l’international. De ce fait, il y avait de nombreux systèmes hétérogènes. En 2017, notre nouvelle direction a voulu mettre en place une convergence et une forte digitalisation. L’investissement initial sur cette digitalisation a été de l’ordre d’un milliard d’euros.

Après la convergence des applications au niveau commerce/marketing/CRM, nous poursuivons la convergence applicative et l’alignement des processus. Comme Michael Perrino vous l’a expliqué, nous menons également une convergence au niveau de la cybersécurité. Dans les prochains sujets de convergence et de rationalisation, nous avons ainsi la supply chain automation, le pricing (y compris avec de l’IA)…

Selon les cas, la mutualisation et la convergence entre pays peuvent aller de la simple négociation commerciale du contrat avec un éditeur jusqu’à l’alignement complet des processus. Les CIO de pays sont là pour garantir la réussite de cette convergence. Quand on parle d’aires géographiques différentes, la question d’une convergence réelle ou d’une simple consolidation peut cependant être clairement posée.

Nous avons une obligation : assurer la continuité. Nous générons 1,3 million de factures par an, nous recevons 70 000 commandes par jour. Aucun arrêt sensible ne peut être toléré.

Retrouvez Jean-Yves Brenier à l’IT Night

Jean-Yves Brenier est membre du jury des Trophées de l’IT Night. Il a donc assisté aux présentations des candidats le 30 avril 2025 et interviendra à la cérémonie le 26 mai 2025 au Théâtre Mogador à Paris.

Informations et inscriptions.

Quelles sont les grandes lignes de votre architecture ?

En France, notre ERP est Infor Movex M3 on premise. En 2024, nous avons convergé quatre implémentations régionales historiques en une seule instance. Dans le même mouvement, nous avons fermé des datacenters propres au profit d’une infogérance chez Kyndryl. Aujourd’hui, toutes nos applications critiques sont hébergées chez Kyndryl.

Au niveau communication réseau, nous avons déployé un WAN avec Orange et toutes nos agences sont aujourd’hui fibrées (en 2021, 70 % étaient avec une liaison cuivre).

J’ai été recruté pour digitaliser Sonepar France mais, pour commencer, nous avons sécurisé les fondamentaux pour garantir la continuité d’activité business. Désormais, il est possible de réellement parler en business partner.

Une règle importante est de toujours traiter les sujets IT avec les bonnes priorités et la bonne chronologie.

Quels sont vos enjeux avec cette digitalisation ?

Nos marchés (énergie, urgence environnementale…) sont structurellement en croissance. Mais, de ce fait, il faut garantir la place du distributeur que ce soit sur les marchés d’équipement ou de renouvellement.

Nous nous adaptons à nos marchés, en passant à la distribution de services et de solutions en remettant le client au centre de nos préoccupations, autant pour les commerciaux que pour les fonctions support. Nous devons basculer du physique, l’agence comme alpha et oméga, à l’omnicanalité.

La feuille de route de l’IT, c’est bien sûr le commercial, la supply-chain automation… et les carve-in pour les nombreuses acquisitions.

Pour un distributeur B2B, que représente la réforme de la facturation électronique obligatoire ?

C’est une opportunité ! Même si ce n’est pas une révolution. La facturation électronique va aider tout le monde.

Bien évidemment, nous avons déjà beaucoup d’EDI avec nos grands clients mais cette réforme va nous permettre d’harmoniser tous nos flux en un seul. Actuellement, nous avons trois plateformes d’EDI différentes ! Il va donc y avoir un peu de travail technique lié à cette harmonisation. Surtout, il nous faut accompagner nos petits clients comme les artisans électriciens. Nous sommes actuellement en train de commencer réellement le projet.

Ce projet va se combiner avec notre stratégie de développement API et de connecteur avec chaque ERP du marché. Par ce biais nous poussons nos catalogues auprès de nos clients et facilitons la prise de commandes.

Avec cette réforme, nous allons avoir un vrai gain sur les structures comptables, en particulier sur les factures entrantes (l’OCR a ses limites…). La facture devient nativement de la data !

C’est donc un sujet important mais nous le prenons avec un vrai soutien du métier. Sonepar a bien compris que cette réforme permettait d’une part d’accroître l’efficacité des services comptables, d’autre part de rationaliser les outils IT associés.

Cela dit, heureusement que le calendrier a été décalé. Là, nos fondamentaux sont en place et nous pouvons mener le projet avec rigueur. Nous avons un vrai ERP qui va de la supply-chain à la comptabilité.

Comme dans la plupart des entreprises aujourd’hui, l’IT est au coeur de la société. Dès qu’un projet démarre, l’IT est forcément impliquée. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle mon périmètre inclut désormais la transformation.

La facturation électronique obligatoire au Club du 1er juillet

Républik IT et Républik Finance organisent le 1er juillet 2025 un club sur le thème « Facturation Electronique Obligatoire : de la data à la performance ! ». Jean-Yves Brenier y sera grand témoin.

Informations et inscriptions.

Cela dit, n’avez-vous pas malgré tout à subir du shadow IT ?

Je ne suis pas en mesure de tout faire. Je ne suis pas opposé au shadow IT mais je ne veux pas le subir. Le shadow IT est une réalité pour toutes les entreprises Je suis donc pour son contrôle afin de garantir la cybersécurité, la réversibilité, etc.

On peut dire que cette approche a rendu le shadow non-shadow ! Se refuser à considérer l’existence de l’IT gérée par le métier, est source de beaucoup de risques pour l’entreprise

Jadis, comme l’IT n’avait pas toujours répondu en temps à toutes les attentes, nous nous sommes retrouvés avec une masse de bases Access. La règle, On ne doit pas bloquer les initiatives mais les contrôler « Business First ». Le SI n’est pas la seule propriété de la DSI mais celle de l’entreprise.

Toutefois, , tout achat IT passe par mes services . Si quelqu’un fait un choix applicatif ou technologique, il doit être informé des risques. On achète de plus en plus du service (du SaaS par exemple) et de moins en moins du logiciel.

Dans cette approche viennent se poser des questions comme « qui s’occupe de l’IA ? ».

Et, donc, qui s’occupe de l’IA ?

Dans notre métier, l’intelligence artificielle en matière de data intelligence, surtout en frontal client, doit être gérée au plus haut niveau de l’entreprise. L’IA est un fort accélérateur de croissance et d’efficacité.

Un exemple de cas d’usage de ce type est la reconnaissance d’un modèle (de prise électrique, d’interrupteur…) à partir d’une photo afin de commander un modèle identique. Mais l’IA peut aussi servir à délivrer la meilleure offre à un client en fonction de ses spécifications mais aussi de nos stocks (par exemple, une proposition de substitution s’il n’y a pas en stock la référence souhaitée).

Quels sont vos autres projets ?

Sur le commerce, l’un des plus importants est probablement la gestion du phygital. Nous avons 3000 collaborateurs sur le terrain en contact avec nos clients Il ne faut surtout pas perdre ce contact. L’agence physique est un lieu de présentation des produits, de formation. La confiance d’un client réside surtout dans le lien humain, même si les jeunes électriciens sont davantage orientés vers le digital.

Cette place de l’humain est fondamentale pour nous. C’est la raison pour laquelle, chaque année, nos 48 000 salariés reçoivent des actions du groupe. Nous sommes convaincus, chez Sonepar, que la relation humaine est le facteur X de différenciation : miser sur l’humain nous permet d’éviter la disruption.

Nous avons monté une chaire de recherche avec l’ESCP sur le futur de la distribution B2B. Et ce futur devra sans doute s’inspirer du B2C.

Nos clients n’ont pas recours, en général, uniquement à nous. Ils ont référencé, la plupart du temps, Sonepar mais aussi son principal concurrent et un distributeur local. La différence que nous devons cultiver, c’est le service.

Pour terminer, quel est votre principal défi ?

L’optimisation de nos processus !

Podcast - Comment Sonepar tire des bénéfices de la facturation électronique obligatoire

Distributeur B2B de matériel électrique, Sonepar réalise 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France sur un total de 32 au niveau du groupe. Le groupe est actuellement en pleine transformation mais il doit bien sûr continuer de servir, en France, plus de 100 000 clients de toutes tailles. La réforme de la facturation électronique obligatoire n’est pas une révolution pour Sonepar mais apporte tout de même de réels bénéfices et opportunités comme l’explique Jean-Yves Brenier, vice-président transformation et IT de Sonepar France. Les difficultés concernent surtout les petits clients comme les artisans électriciens.