TO7 : du rêve au renoncement
Le Thomson TO7 peut être une madeleine de Proust. C’est aussi une saga, celle d’un des nombreux renoncements face aux industriels américains.

Le premier micro-ordinateur de l’histoire humaine, en 1973, est français. Il s’agit du Micral, de la société R2E, qui a été absorbée par Bull (CII Honeywell-Bull) en 1978. Le plan Informatique pour Tous (IPT) a été lancé par le premier ministre Laurent Fabius le 25 janvier 1985 avec une optique de développer les compétences informatiques (surtout la programmation). Le plan reposait sur le déploiement de nano-réseaux dans les écoles avec, au centre, un Bull Micral, et des ordinateurs Thomson comme terminaux pédagogiques. De mauvais choix techniques, pédagogiques (enseigner la seule programmation) ou ergonomiques (comme le crayon optique plutôt qu’une souris), un investissement dans le matériel en oubliant la formation des enseignants ainsi que les aléas politiques ont abouti à un échec et au deuxième renoncement (après la fin du Plan Calcul en 1974) à la constitution d’une industrie informatique française, en 1989, au profit, essentiellement, de l’industrie américaine. Mais, pour des millions de Français, les ordinateurs Thomson furent la première expérience d’informatique. C’est leur histoire que raconte Michel Leduc dans « Le Thomson TO7, saga du premier micro-ordinateur grand public français ». Il fut acteur de cette saga.
Et c’est avec les tripes qu’il raconte les (més)aventures des équipes d’ingénieurs qui s’échinaient, dans les années 1970-1980, à créer des outils qui, aujourd’hui, nous semblent bien primitifs. Certains choix peuvent sembler curieux mais l’auteur les explique. On passe ainsi du vidéodisque au micro-ordinateur familial. On découvre les stratégies d’acteurs américains, japonais ou autres. On croise des Polonais et des Soviétiques. Bref, on découvre une saga avec ses improbables rebondissements.
L’ouvrage est richement illustré, parfois même avec des photographies d’ambiance (comme un ours polaire près de l’endroit où l’équipe est passée…). Le style n’est guère universitaire. On a l’impression que Michel Leduc nous raconte ses aventures tout en buvant une bière à côté du lecteur. Mais cela fait partie du charme de cet ouvrage qui ne sert finalement que la nostalgie… et l’histoire industrielle de la France. En espérant que l’on sache enfin en tirer des leçons.
A propos de l’ouvrage
« Le Thomson TO7, saga du premier micro-ordinateur grand public français », par Michel Leduc (Editions Rue des Ecoles / Supérieur, 402 pages, 35 euros)
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