Territoire Numérique Libre : quatre candidats obtiennent la labellisation maximale
Par Bertrand Lemaire | Le | Achat it
Lors de l’Open Source Expérience, l’Adullact a remis les labels Territoire Numérique Libre à 23 collectivités locales et établissements dont 4 labellisés au niveau 5.
Tous les ans depuis 2016, l’Adullact (Association des Développeurs et des Utilisateurs de Logiciels Libres pour les Administrations et les Collectivités Territoriales) remet les labels Territoire Numérique Libre, imaginés en 2015. Ces labels, qui vont du niveau « un copyleft » au « cinq copylefts », spécifient le niveau d’engagement en faveur de l’open-source d’une collectivité locale, d’un établissement public local ou d’une organisation intercommunale d’un statut ou d’un autre. L’édition 2023 de la remise des labels a eu lieu durant l’Open Source Expérience, au Palais des Congrès de Paris, le 6 décembre 2023. 23 communes ou établissements ont été reçu leur label à cette occasion, de Lettret, un village de 196 habitants dans les Hautes-Alpes, à Marseille, 862 000 habitants dans les Bouches-du-Rhône. Un même candidat peut demander à être labellisé à plusieurs reprises et, depuis l’origine, 77 ont donc été labellisés en tout.
L’engagement labellisé concerne en premier lieu une stratégie en faveur du logiciel libre mais inclut, désormais, aussi des sujets connexes comme l’open-data. « D’année en année, le label devient de plus en plus sévère, avec des thèmes nouveaux » a rappelé Pascal Kuczynski, délégué général de l’Adullact. Comble de l’ironie, la ville dont le président de l’Adullact, François Elie, est un élu local, Angoulême, a ainsi perdu un copyleft lorsque l’open-data est devenu un critère. Pascal Kuczynski a pointé : « rester sur un même niveau de label plusieurs années de suite suppose donc de progresser ».
Etat et collectivités unis pour le Logiciel Libre
La remise des labels 2023 s’est opérée en présence de Bastien Guerry, responsable de la Mission Logiciels Libres de la DINUM (Direction Interministérielle du Numérique, la « DSI groupe » de l’État). Il a rappelé : « historiquement, la Mission Logiciels Libres est compétente pour les administrations centrales et déconcentrées mais celles-ci ont des liens avec les collectivités locales et il était donc naturel que nous apportions un appui à ces dernières. Nous avons un partenariat de longue date avec l’Adullact, notamment pour la plate-forme Démarches Simplifiées. »
Avec cette édition 2023 de Territoire Numérique Libre, des performances particulièrement remarquables ont été mentionnées, avec une « palme » en récompense. Ainsi, la palme « Stratégie et Mutualisation » a récompensé Caluire-et-Cuire (Rhône), commune entrée directement au niveau « quatre copylefts ». Un « prix spécial » a distingué Claix (Isère) passé, entre 2022 et 2023, du niveau « deux copylefts » au « quatre copylefts ». Le Syndicat Intercommunal pour la Téléphonie et la Prestation Informatique (SITPI) de l’agglomération de Grenoble, labellisée quatre copylefts, a reçu une palme « Logiciel Libre » récompensant notamment son hébergement d’une instance Mastodont, Colter.social.
Une mise en lumière utile
Certes, toute récompense fait toujours plaisir. Mais à quoi bon rechercher une labellisation « Territoire Numérique Libre » ? « Recevoir un label donne de la légitimité à la démarche et valorise les équipes internes » a souligné Pascal Kuczynski en réponse à Cédric Charpentier, DSI d’Abbeville (Somme). Celui-ci se désolait en effet : « il faut encore convaincre des gens qui sont contre le logiciel libre alors qu’ils constatent tous les jours que ça marche ! ». Pascal Kuczynski, qui a rappelé que la forme prise par le label a été inspirée par le concours des villages fleuris, s’est pris à rêver que les communes arborent, à leur entrée, un panneau avec leur nombre de copylefts…
Beaucoup d’élus ne voient pas l’intérêt du sujet et moins encore l’intérêt de communiquer autour. Or, comme l’a rappelé Pascal Kuczynski, « les citoyens sont intéressés par tout ce qui permet d’économiser de l’argent public et de lutter contre la domination des GAFAM. »
Quatre labellisés au niveau cinq copylefts
Pour cette édition 2023, quatre candidats ont été labellisés au niveau maximal de « cinq copylefts ». Tout d’abord, il s’agit de la ville d’Echirolles (Isère), 37 000 habitants en banlieue de Grenoble. Le syndicat intercommunal Morbihan Energies a, en plus, reçu deux palmes : open-data et stratégie de communication.
La commune de Boé (Lot-et-Garonne) a basculé 90 % de son parc de postes de travail sous Linux Ubuntu, y compris les postes scolaires, et a obtenu la palme des bonnes pratiques ainsi que le prix coup de coeur du jury. Boé est en effet le seul candidat à disposer d’un site web 100 % accessible. Enfin, le dossier ayant obtenu la meilleure note est celui d’Abbeville (23000 habitants, Somme). Cette commune, sous l’impulsion de son DSI, est en train d’écrire un conte sur son passage au logiciel libre sous la forme du voyage d’un jeune aduite dans quatre-vingt pays.
La commune de Boé
Pouvez-vous nous présenter Boé ?
Boé est une commune du Lot-et-Garonne de 5700 habitants, faisant partie de l’Agglomération d’Agen. Ces 20 dernières années, elle a connu un fort développement économique et une augmentation sensible de sa population. La collectivité s’est adaptée à cette transformation et s’est tournée vers l’avenir, particulièrement avec l’essor du numérique et la transition écologique. Aujourd’hui, elle détient plusieurs labels dans les domaines de la transition numérique et également du cadre de vie, de la biodiversité et du sport.
Quelle est la place de l’open-source relativement aux logiciels propriétaires dans votre SI ?
Plusieurs actions en faveur du Libre ont été mises en place ces dernières années au sein du SI. Une des actions significatives est la migration de 90 % de notre parc informatique sous Linux. Aujourd’hui, l’ensemble des agents sont familiarisés avec ce système d’exploitation et les logiciels libres qui en découlent : bureautique, multimédia, stockage des données, travail collaboratif… Le Libre investit également de plus en plus la gestion de l’infrastructure et la sécurité de notre SI.
Pourquoi avoir adopté une stratégie en faveur de l’open-source et des logiciels libres ?
La collectivité a adopté une stratégie en faveur du Libre car il s’appuie sur des standards ouverts qui sont le meilleur moyen pour elle de garantir l’accessibilité de ses données et leur pérennité, en toute indépendance. Son objectif est de permettre aux usagers d’accéder demain aux documents qu’elle publie, quelles que soient les stratégies des acteurs du marché du logiciel. D’autres objectifs sont visés au travers de cette démarche : qualité du service public, maîtrise des coûts, sécurité du SI, interopérabilité et mutualisation des ressources.
Qu’apporte une labellisation par l’Adullact ?
Ce label est une belle reconnaissance au niveau national. Elle récompense une forme d’excellence qui valorise la qualité de travail et l’implication des élu(e)s et des agent(e)s pour une démarche libre, un bon usage de l’argent public et une politique en faveur des biens communs numériques. Ce label permet aussi de nous auto-évaluer, de reconnaître et de faire connaître notre engagement fiable.
La commune d’Échirolles
Pouvez-vous nous présenter Echirolles ?
Située au sud de l’agglomération grenobloise, en Isère dans les Alpes, la ville d’Échirolles compte plus de 37 000 habitants. C’est l’une des trois principales communes de Grenoble-Alpes Métropole, réunissant 49 communes et 450 000 habitants. Amandine Demore en est la maire depuis octobre 2023. Aurélien Farge est Adjoint aux finances, à la commande publique, au développement du numérique libre, à l’informatique et aux logiciels libres.
Quelle est la place de l’open-source relativement aux logiciels propriétaires dans votre SI ?
Depuis 2014 et la signature du « pacte du logiciel libre » de l’April, Échirolles est résolument engagée dans une démarche de passage aux logiciels libres. Aujourd’hui, la plupart des outils utilisés par les services communaux sont open source et permettent de disposer de solutions innovantes aux services des habitantes et habitantes de la ville. La diffusion en direct du conseil municipal, par exemple, est entièrement réalisée à base de logiciels libres.
Pourquoi avoir adopté une stratégie en faveur de l’open-source et des logiciels libres ?
Travail collaboratif au service de toutes et tous, transparence, souveraineté, une recherche de profit qui, quand elle existe, n’est que secondaire et orientée vers la réussite d’un projet commun… les valeurs liées aux logiciels libres sont proches de celles du service public. Déployés et maintenus en interne, ils sont et seront l’une des garanties de notre souveraineté numérique et d’une utilisation raisonnée des ressources informatiques. Sur notre site web, nous avons une page sur le numérique libre.
Qu’apporte une labellisation par l’Adullact ?
Ce label, qui valorise l’action des collectivités territoriales dans le domaine, est une reconnaissance du travail effectué par tous les acteurs communaux. Les élu(e)s, la direction générale, les services et les partenaires s’investissent dans ce projet original d’un numérique respectueux des valeurs du service public. Territoire Numérique Libre permet de faire connaître, au niveau national, l’action de la ville d’Échirolles et donc d’échanger, avec d’autres collectivités, sur ces sujets. Cette volonté de partager fait partie intégrante de notre projet.
Morbihan Energies
Pouvez-vous nous présenter Morbihan Energies ?
Établissement public de coopération intercommunale représentant l’ensemble des communes du département, Morbihan Énergies est devenu au fil des ans (en complément de ses compétences historiques en électricité et éclairage public), un acteur majeur des transitions énergétiques et numériques.
Les nouvelles ressources que constituent les données participent aux services de flexibilité et de sobriété. Les premiers bénéficiaires en seront les collectivités du département.
Cette transformation repose sur cinq piliers autour de la donnée : service smart city adaptés aux besoins des territoires, souveraineté par la création d’un data center public départemental, formation et fourniture d’outils open data, catalogage pour inventorier et SIG pour cartographier.
Quelle est la place de l’open-source relativement aux logiciels propriétaires dans votre SI ?
L’open-source représente une partie majoritaire des services numériques que nous utilisons.
Il reste évidemment indispensable de s’équiper de solutions propriétaires pour certains de nos métiers, qui nécessitent des logiciels spécifiques.
Pourquoi avoir adopté une stratégie en faveur de l’open-source et des logiciels libres ?
Les objectifs poursuivis sont de garantir une plus grande souveraineté numérique, de favoriser la mutualisation de moyens numériques à l’échelle départementale et d’œuvrer pour une meilleure interopérabilité des systèmes informatiques.
Qu’apporte une labellisation par l’Adullact ?
La labellisation nous permet d’affirmer et de valoriser notre démarche en faveur de l’open-source et des logiciels libres auprès de nos interlocuteurs publics et privés, avec qui nous portons des projets numériques.
Au-delà de la reconnaissance qu’elle confère, elle est une motivation supplémentaire dans l’atteinte de nos objectifs en termes de transition numérique des territoires.
La commune d’Abbeville
Pouvez-vous nous présenter Abbeville ?
Abbeville, deuxième ville du département de la Somme. Avec ses 23 000 habitants elle est la collectivité la plus importante en terme de population de la Communauté d’agglomération de la Baie de Somme dont elle est membre. Elle fait partie du Parc Naturel Régional Baie de Somme - Picardie maritime ainsi que des villes et villages labellisés Pays d’art et d’histoire qui œuvrent à mettre en avant leur patrimoine.
Quelle est la place de l’open-source relativement aux logiciels propriétaires dans votre SI ?
Qui peut le plus peut le plus ! !! A Abbeville partout où le libre peut remplacer le propriétaire, tous les moyens sont mis en œuvre pour y arriver. De la messagerie en passant par les serveurs ou encore les solutions de sécurité et les applications finales, ici un seul mot d’ordre : open-source.
Pourquoi avoir adopté une stratégie en faveur de l’open-source et des logiciels libres ?
Il y a quelques années nous aurions probablement répondu « pour le bien des finances publiques ». Aujourd’hui, nous pouvons ajouter pour le bien des agents, pour l’innovation et la recherche ! Pour la valorisation de la ville, pour laisser libre cours à l’imagination des agents de la DSI souvent dans l’ombre de la collectivité et pourtant acteurs de la bonne marche des services.
Qu’apporte une labellisation par l’Adullact ?
Ce label est une vitrine ! La labellisation permet, à la fois, de mettre en valeur le travail réalisé par les agents de la DSI, des agents de la Ville et des élus, de montrer aux administrés que les finances de la collectivité sont bien utilisées. Cela nous permet également de nous démarquer, de nous faire connaître et de donner davantage de légitimité à notre démarche. Enfin, de créer du réseau et de rencontrer des gens formidables… L’open-source, c’est « très souvent » les gens avant l’argent…