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Olivier Fecherolle (Wild Code School) : « notre modèle est celui de la reconversion choisie »

Par Bertrand Lemaire | Le | Formation

Membre du Future Group, la Wild Code School permet des reconversions en webdéveloppement, data/IA, cybersécurité/infrastructures… Olivier Fecherolle, président directeur général de la Wild Code School, explique ici la démarche de cet établissement.

Olivier Fecherolle est président directeur général de la Wild Code School. - © Wild Code School
Olivier Fecherolle est président directeur général de la Wild Code School. - © Wild Code School

Pouvez-vous nous présenter la Wild Code School ?

La Wild Code School a été créée il y a dix ans et a rejoint Future Group aux côtés de SALT (Suède), Spiced Academy et Neue Fische (Allemagne). Future Group se veut un acteur majeur de la formation à l’échelle européenne par le rachat de structures similaires dans divers pays. Mais la formation est un business fondamentalement local : la réussite suppose de tenir compte des spécificités nationales notamment en termes juridiques ou de financement. Le groupe réalise donc des économies d’échelle et de la mutualisation quand c’est possible, par exemple l’infrastructure e-learning, les modules de formation (en les traduisant), etc. mais en gardant l’opérationnel local.

Il y a dix ans, la Wild Code School s’est construite autour du modèle de la pédagogie inversée via les « bootcamps », modèle que l’Ecole 42 a ensuite popularisé. L’intérêt de cette approche est de rendre les apprenants opérationnels très vite. Le public que nous accueillons n’a aucun besoin de connaître quelque chose à l’informatique pourvu que chacun ait un minimum de logique, de capacité à suivre nos enseignements, et dispose de la motivation nécessaire pour suivre des cursus très intensifs.

Aujourd’hui, nous réalisons plusieurs types de formations, autant en distanciel qu’en présentiel ou en hybride.

Précisément, pouvez-vous nous expliquer ces différents types de formation ?

Nous avons deux grands types de formation : le bootcamp et l’alternance, en tant que CFA depuis plusieurs années. Toutes nos formations sont certifiantes via leurs inscription au RNCP. Certains élèves font d’abord le bootcamp avant de poursuivre via l’alternance, ce qui est une très bonne stratégie. Nous pouvons également créer des formations sur mesure pour des entreprises.

Nous intervenons dans quatre domaines : le développement web (notre premier bootcamp !), la data/IA, la cybersécurité et l’infrastructure ainsi que, enfin, le webdesign.

Comment sont financées ces formations ?

Le bootcamp est une formation payante (de 7000 à 8000 euros) et son financement est en général hybride. L’apprenant peut bien sûr recourir à l’auto-financement mais aussi à un financement par France Travail (ex-Pôle Emploi), Transition Pro (ex-Fongecif), la famille…

Une formation en alternance est bien sûr financée par l’entreprise qui rémunère également l’apprenant.

Notre modèle est celui de la reconversion choisie, à tous les âges (dès 25 ans parfois !). Certains, en sortie d’école, ont compris qu’ils avaient été mal orientés et se réorientent avec nous.

A ce jour, nous avons 6500 alumnis dont il faut saluer le courage car ce choix est difficile autant sur le plan personnel que sur le plan professionnel.

Quelle est votre pertinence sur le marché par rapport aux filières classiques (ingénieurs, etc.) ?

Il va de soi que nous n’avons pas l’ambition de former des ingénieurs en quelques mois ! A cause de la pénurie des talents, l’IT est un des domaines les plus ouverts à la diversité de parcours. Nous formons des personnes opérationnelles, des débutants en sortie de bootcamp, des juniors déjà expérimentés en sortie d’alternance.

Pour ceux qui avaient déjà un métier avant, une formation IT est souvent un vrai accélérateur de carrière. Par exemple, un professionnel de l’assurance peut avoir un réel intérêt à suivre une formation data ou IT. La double compétence IT/métier peut transformer un professionnel en réelle star très demandée sur le marché.

Lorsque nous proposons des formations spécifiques aux entreprises, nous pouvons mettre en place des bootcamps sur mesure à temps partiel pour garder le contact avec l’entreprise.

Plus spécifiquement, quelle est votre positionnement face à l’Ecole 42, à l’Ecole 2600… ?

L’Ecole 42 est gratuite et il faut remercier Xavier Niel de la financer. Nous nous adressons à des publics moins techs, moins hardcores. Nous sommes davantage concurrents de Simplon.

Nous disposons de six campus en France. Nous sommes plus inclusifs en lien avec l’historique de nos alumnis qui, d’ailleurs, nous recommandent.

Globalement, le marché de la formation professionnelle IT est très immature et ses acteurs sont très atomisés.

Quelles sont, aujourd’hui, les aspirations de vos élèves ?

Leur vraie motivation est de changer de métier. Et ils ont eu auparavant un contact avec l’IT qui les a séduits. Nous avons un très gros « tunnel de conversion ». Nous avons énormément de demandes d’information mais il y a un long processus jusqu’au bouclage du financement avec de nombreux filtres (motivation, capacité, disponibilité…). Sur cent demandes d’information, il y a environ cinq personnes qui débutent la formation.

Comment séduire les profils atypiques pour les attirer vers le numérique ?

L’intensité numérique de notre monde est très élevée aujourd’hui. Tout le monde est aujourd’hui entouré de numérique. Les personnes qui nous rejoignent ne pensaient pas, initialement, faire du numérique leur métier mais saisissent une opportunité parce que les métiers du numérique embauchent. Certains se reconvertissent parce que leur métier d’origine est une impasse, avec des diplômes de filières en surabondance.

Mais, globalement, le grand public a la perception que les métiers du numérique sont porteurs, qu’ils sont des métiers d’avenir, même si certains mythes sont à casser (par exemple, la cybersécurité est réservée à certains profils). Je crois beaucoup aux rôles modèles, aux témoignages d’alumnis qui ont réussi leur reconversion. Nos métiers sont plus inclusifs que d’autres, moins réservés aux hommes blancs.

L’une des difficultés rencontrées sur le marché est une grosse pénurie de cobolistes. Or ce n’est pas une compétence jugée d’avenir… Il est donc difficile de convaincre qu’il y a de la demande alors que ceux qui font ce choix s’assurent du travail pour vingt ans avec un langage qui n’est pas difficile à maîtriser.

Comment les entreprises accueillent ces profils atypiques ?

Une équipe a besoin de diversité. Il faut des personnes opérationnelles pour un certain nombre de tâches. Même si vous arrivez à trouver des ingénieurs en nombre suffisant, il n’est pas certains qu’ils accepteront de faire tous les types de tâches.

Notre taux d’insertion est de 86 % à six mois alors même que les apprenants qui passent par nous ne connaissaient rien au numérique avant. Clairement, il y a de la place pour tout le monde sur le marché.

Quelles sont les tendances que vous voyez en 2024 et, au-delà, quels sont les défis que vous identifiez ?

Notre défi, c’est de reproduire au profit d’entreprises, en B2B, ce que nous faisons déjà en B2C pour des reconversions individuelles. Nous voulons nous adresser aux entreprises qui ont, d’un côté, des métiers en déclin et, de l’autre, une pénurie de talents numériques à combler. Nous pouvons leur proposer des formations pour doter leurs personnels de doubles-compétences métier/numérique. En termes de responsabilité sociale, cette approche évite des plans sociaux, apporte un nouveau souffle aux personnels, permet à l’employeur de se compter en entreprise citoyenne…

Côté tendances, le développement web, qui était notre première formation historiquement, est aujourd’hui stabilisé. Ce qui est en forte croissance, c’est la data, l’IA et la cybersécurité.