Bernard Giry (Ile-de-France) : « nous voulions nous affranchir de briques Microsoft »
La région Ile-de-France a déployé un ENT avec une implémentation de NextCloud par Leviia pour l’ensemble des lycéens et enseignants, soit près de 500 000 comptes. Bernard Giry, directeur général adjoint à la transformation numérique de la région Ile-de-France, nous explique ce projet et les autres actualités IT de la région.
Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est la Région Île-de-France ?
La Région compte 11 000 agents dont 9000 dans les 470 lycées publics. Nous avons un budget global d’environ 5 milliards d’euros dont 1,9 pour les lycées (fonctionnement, investissement et personnel). Les lycées représentent donc le premier budget de la région devant les transports. La région compte 450 000 lycéens et 45 000 enseignants.
Comment est organisée l’IT ?
En tant que directeur général adjoint à la transformation numérique, je pilote trois départements. Le premier est la DSI qui gère surtout l’IT interne, y compris la cybersécurité. La direction du numérique réalise les services dédiés aux usagers externes. Enfin, nous avons la direction data et IA.
Le budget du numérique est aux environs de 130 millions d’euros et la moitié concerne l’équipement matériel des lycéens. Nous avons environ 120 collaborateurs internes auxquels s’ajoutent les services managés et les prestataires.
Quelle sont les grandes lignes de votre architecture IT ?
Nous avons une architecture très hybride.
En interne, nous avons un GIP qui nous permet de mutualiser des datacenters avec le département du Val d’Oise, des universités, des établissements publics…
Notre digital factory est hébergée chez Scaleway qui propose un cloud souverain avec des capacités d’IA.
Côté applicatifs métiers, nous utilisons de plus en plus de SaaS comme Nexpublica (un spin-off d’Inetum), Coriolis d’Atos, etc.
Depuis l’installation dans notre nouveau siège et le développement du télétravail, nous avons opté pour Microsoft Office 365 avec, de fait, un recours au Cloud Azure.
Etant donnés ces choix, pourquoi avez-vous opté pour un déploiement d’une distribution NextCloud pour les lycées ?
La loi confie à chaque région, pour les lycées, l’infrastructure et les applicatifs, du THD et du Wifi jusqu’à l’environnement numérique de travail (ENT) en passant par la distribution des manuels scolaires.
Nous avons voulu revisiter les composants de l’ENT : drive, messagerie, applications métier (Pronote de Docapost…), plateforme de distribution des contenus pédagogiques… Pour cette agrégation des contenus et leur distribution, nous avons opté pour Pearltrees. Nous avons d’ailleurs créé une cinquantaine de manuels libres en utilisant cette plateforme.
Nous voulions nous affranchir de briques Microsoft. Nous avons donc opté pour la solution propre de Worldline pour la messagerie avec un hébergement redondé entre le Nord de la France et l’Auvergne. Et, pour le drive, nous avons choisi Leviia qui intègre et développe autour du logiciel libre NextCloud. Bien sûr, NextCloud est intégré avec la messagerie. L’hébergement est réalisée par Free Pro.
Nous avons choisi Leviia plus que NextCloud. A l’époque, c’était une très petite société et nous avons osé faire ce choix parce que, à côté, nous avions Worldline. Nous ne pouvions pas prendre trop de risques tout de même. La SSO est aussi celle de Worldline (cette activité est actuellement en cours de revente à Magellan Partners).
Sur les ordinateurs des élèves, nous avions décidé en 2019 de ne déployer que du LibreOffice mais les enseignants nous ont réclamé, en plus, Microsoft Office sous le prétexte que, en entreprises, les élèves utiliseraient ce produit.
Pourquoi avoir réalisé ce choix ?
Quand nous avons cherché une solution, celle de Leviia nous a séduit, notamment parce que nous avons cru dans son équipe. Leviia est une solution souveraine, maîtrisée et open-source. Mais, pour adapter la solution à nos besoins métiers spécifiques, nous avions besoin d’une équipe qui réagissait rapidement et délivrait ce qu’il nous fallait.
Nous essayons, quand c’est possible, de soutenir des start-ups. Nous avons été le deuxième client de Board of Cyber par exemple (médaille d’argent en co-construction à la dernière Cyber Night).
Quel a été le planning du projet ?
Le marché a été passé au printemps 2023. La première brique a été déployée en production en septembre 2024, lors de la rentrée. Et les fonctionnalités ont été étendues pour la rentrée de septembre 2025.
Les collaborateurs de la région utilisant actuellement Microsoft Office 365, une évolution est-elle envisagée vers cet environnement NextCloud ?
Nous n’avions plus réellement réexaminé l’environnement numérique des agents depuis 2017. Nous avons donc décidé de lancer une étude, avec un « groupe transpartisan », sur l’ensemble de cet environnement : PC, écran, applications… Le poids de Microsoft fait partie du sujet. Mais rien ne se fera normalement avant 2028.
En effet, nous avons plusieurs gros projets en cours qui vont largement nous occuper en 2026 et 2027. Nous avons été souvent précurseur mais, là, nous préférons regarder ce que vont faire les autres régions, la DINUM…
Les élections régionales auront lieu en mars 2028. Une nouvelle feuille de route sera ouverte pour la période 2028-2030.
Le projet avec Leviia/NextCloud fait partie d’un vaste plan en faveur des lycées. Quel est l’implication de l’IT sur ce plan au-delà du collaboratif ?
Le Plan Lycée bénéficie d’un budget global de 6,5 milliards d’euros. Il concerne essentiellement les bâtiments (construction, rénovation…) et est géré par la Direction des Lycées. Nous avons déjà à clairement recenser notre patrimoine immobilier qui, pour les lycées, représente environ 6,5 millions de mètres-carrés.
La DSI travaille avec la Direction des Lycées sur l’équipement informatique pour réaliser ce plan. Notre objectif est évidemment de faciliter les chantiers. Et sans oublier que la petite maintenance du quotidien peut constituer d’importants irritants.
Ces deux dernières années, nous avons travaillé sur un référentiel de données patrimonial pour unifier la vision de notre patrimoine. Pour cela, nous avons travaillé avec Beeldi.
Comme nous gérons environ mille chantiers par an, nous avons décidé de recourir à une start-up française, Pigment, pour la gestion pluriannuelle des chantiers. Cette solution nous permet notamment un suivi financier précis.
Quels sont vos autres grands projets du moment ?
Nous avons terminé la refonte de notre outil d’exécution des marchés avec numérisation de la chaîne de commande. Désormais, l’entreprise saisit elle-même ses prestations et ses tarifs. Le processus de commande est entièrement digitalisé et bien entendu interfacé avec le SI financier.
Notre nouveau système financier va être déployé en avril 2026. Nous restons sur Coriolis d’Atos mais en passant de la v4 on premise à la v5 en SaaS. Nous sommes le deuxième client en SaaS et la migration n’a pas été un long fleuve tranquille.
Nous faisons évoluer également notre SIRH par modules (gestion des temps, GPEC…) progressivement jusqu’en 2027.
Bien évidemment, nous avons également des projets autour de la data et de l’IA. Nous avons construit un GPT interne avec Beewant et mis en place une Académie IA pour former nos collaborateurs.
La gestion des appels d’offres vient d’être renouvelée avec Atexo avec des fonctionnalités IA en cours de déploiement.
Certes cela peut-être parfois plus compliqué de travailler avec des petits éditeurs spécialisés qui manquent parfois de moyens pour accélérer leur roadmap data mais nous voulons les aider à se développer.
Quels défis aurez-vous à relever dans les prochains mois et années ?
Je pense d’abord au défi ressources humaines. Nous allons avoir une vague de départs à la retraite et nous allons devoir préserver nos compétences.
Et, à cause des difficultés budgétaires qui obligent à réfléchir davantage au ROI, j’ai créé un poste de contrôleur de gestion pour le numérique. Il s’agit de mieux identifier les coûts à l’heure de l’arrivée de l’IA et de l’inflation des tarifs des fournisseurs.
Podcast - Faire grandir les start-ups par l’achat public
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