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GS1 France : l’échange de données au coeur des nouveaux défis des DSI

Par Bertrand Lemaire | Le | Esn & conseil

Cédric Lecolley, directeur commercial et filières, et Xavier Barras, directeur des opérations de GS1 France, présentent cette organisation et ses services. Depuis cinquante ans, l’ex-Gencod-EAN standardise les échanges de données entre entreprises dans le monde. Les 57 000 adhérents français représentent un chiffre d’affaires cumulé de 1300 milliards d’euros, soit l’équivalent de 56 % du PIB de la France. L’évolution de la réglementation européenne sur les données associées aux produits, notamment concernant l’empreinte environnementale, va considérablement complexifier les échanges de données entre entreprises.

GàD : Xavier Barras, directeur des opérations ; Cédric Lecolley, directeur commercial de GS1 France. - © GS1 / Cyril Mouty
GàD : Xavier Barras, directeur des opérations ; Cédric Lecolley, directeur commercial de GS1 France. - © GS1 / Cyril Mouty

57 000 membres en France, deux millions dans le monde : GS1 est une association internationale sans but lucratif de droit belge (AISBL) dont l’objectif est de standardiser les échanges de données entre entreprises tout au long de la chaîne de valeur, notamment les identifications d’objets (produits, colis…). En France, GS1 est représenté par GS1 France. « Pour prendre une image bancaire, nous sommes un peu comme le Swift de la supply-chain et du commerce au sens large » explique Cédric Lecolley, directeur commercial de GS1. Les 57 000 adhérents français représentent un chiffre d’affaires mondial cumulé de 1300 milliards d’euros (pour comparaison, le PIB de la France est d’environ 2 300 milliards d’euros). Toutes les entreprises manipulant des objets physiques sont concernés par les travaux de GS1 depuis plus de cinquante ans. L’émergence de l’économie circulaire va profondément changer la donne et constituera probablement le grand défi des cinquante prochaines années.

En effet, l’origine de GS1 en France date du 10 octobre 1972 avec la fondation de Gencod (Groupement d’Etude de Normalisation et de Codification). Cette structure disposait déjà d’un collège fabricants et d’un collège distributeurs pour que tout le monde parle le même langage. Cédric Lecolley insiste : « GS1 est d’abord une idée de commun. Nous sommes un lieu neutre pour les entreprises discutent de pratiques communes. » La structure française a été l’une des premières au monde mais n’était pas unique. Quelques autres pays se sont donc associés à la France en 1977 pour créer l’EAN International (European Article Numbering). L’initiative a continué de s’étendre dans le monde et, en 2005, est né GS1 (Global Standard One). Aujourd’hui, 150 pays sont représentés par 116 organisations. Si le groupement est présent partout dans le monde, les pays africains sont globalement sous-représentés et leurs entreprises sont généralement défendues soit par l’association internationale de droit belge, soit par la structure française. Les salariés et les autres frais de fonctionnement sont payés par les cotisations annuelles et la gouvernance repose sur un conseil de surveillance composé de représentants des adhérents, de toutes tailles et de tous secteurs, garants de l’intégrité du système.

Des standards communs au bénéfice de tous

GS1 est reconnu par l’ISO comme un opérateur d’un système d’identification, dont le fameux « code EAN » ou aujourd’hui le GTIN (Global Trade Item Number), une suite de 13 chiffres identifiant de manière unique et non-équivoque n’importe quel produit, généralement matérialisé par un code-barres mais, désormais, de plus en plus remplacé par un QRcode. « Ce code et le langage GS1 constituent la ‘lingua franca’ du commerce de n’importe quelle marchandise, de la pharmacie au textile en passant par  le ferroviaire et bien entendu les produits de grande consommation » relève Cédric Lecolley. Chaque jour, ce sont dix milliards de scans de codes-barres qui permettent au commerce d’exister, tout au long de la chaîne logistique jusqu’au passage en caisse. Les standards mises en place au sein de GS1 sont tous ouverts et libres de droits. Le code-barres lui-même est issu d’un brevet IBM, le QRcode d’un brevet Toyota, tous les deux basculés dans le domaine public avant leur implémentation par GS1. Le système est totalement agnostique aux filières (une roue de voiture, un médicament, un livre ou un paquet de carottes suivront les mêmes règles) et aux technologies (EDI, API, code-barres, RFID…).

Pour disposer de codes pour ses produits, l’entreprise adhère à GS1 au travers de n’importe quelle organisation locale, ce qui coûte, en France, selon son chiffre d’affaires global, de 96 à 4400 euros HT/an. L’entreprise reçoit alors une plage de codes qui lui est propre. En aucun cas il n’y a de superposition entre plages. La règle est simple mais stricte : une référence produit, c’est un code. Si le produit change, le code change. Chaque entreprise est responsable de la gestion de ses produits au sein de sa plage de codes. Un paquet de 250 grammes de spaghettis, ce n’est pas un paquet d’un kilogramme : chacun aura un code différent. « Les règles étant mondiales, un artisan fabriquant en Lozère voit ses codes reconnus en Chine ou au Brésil » pointe Cédric Lecolley. Le « code EAN » a su intégrer des codifications antérieures, le cas le plus significatif étant celui de l’ISBN (International Standard Book Number). « L’ISBN sur huit chiffres pré-existait et a été intégré à l’EAN en réservant un préfixe pour les livres, l’AISBN étant délégataire de GS1 sur la plage de codes dédiée aux livres » explique Xavier Barras, directeur des opérations de GS1 France.

Le règne de la data sur la supply-chain de bout-en-bout

Les travaux de GS1 porte sur trois niveaux : d’abord l’identification des produits et des entreprises, puis la capture de l’identification (RFID, code-barres, QRcode…) et le partage de cette identification. Mais les informations devant être échangées entre entreprises sont loin de se limiter à un code d’identification d’une référence produit. Et plus le temps passe, plus les informations à s’échanger deviennent riches, complexes et essentielles au commerce, notamment pour des raisons juridiques (par exemple les allergènes sur les produits alimentaires). « Pour un seul produit, une chaîne d’hypermarchés peut gérer 300 à 400 attributs, toutes ces données étant pour l’essentiel issues des fabricants » note Xavier Barras. Les échanges de fichiers Excel atteignent vite leurs limites dans ces conditions. GS1 a donc mis en œuvre le protocole d’échanges GDSN (Global Data Synchronisation Network). La mise au point de ce protocole a été réalisée par un groupe de travail réunissant des entreprises soit partenaires soit franchement concurrentes, allant de Carrefour à L’Oréal en passant par Système U. Les données échangées se font désormais au travers d’un fichier XML. Xavier Barras admet : « le point de départ demeure l’identification mais c’est bien tout le schéma de données qui doit être standardisé ».

Si GS1 France définit les règles, la sémantique, les formats…, l’organisation n’est en aucun cas un éditeur de logiciels. Les protocoles sont donc implémentés par des éditeurs qui intègrent les standards GS1 en toute interopérabilité. Xavier Barras reconnaît cependant : « un standard mal implémentée ne sert pas à grand’chose. » GS1 s’assure donc le respect du standard par différentes solutions. Les informations échangées peuvent contenir des références à des images ou d’autres médias pour illustrer le produit, ce qui particulièrement sensible dans des secteurs comme le luxe. Les catalogues des fabricants et des distributeurs se synchronisent grâce aux standards d’échanges du GDSN. En général, deux produits seront nécessaires pour gérer les catalogues : le PIM (Product Information Management, le catalogue à proprement parler) et le DAM (Digital Asset Management, pour les photos et autres illustrations).

Le code-barres bientôt au musée ?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le système à 13 chiffres actuels reste suffisant pour identifier tous les articles. « Nous avons encore de la marge en capacité à codifier » confirme Cédric Lecolley. Mais, si le code-barres et le code EAN ont bien servi et rendu de fiers services durant des dizaines d’années, il n’en demeure pas moins que 13 chiffres ne permettent pas de transmettre toutes les informations utiles. Certes, associer des informations complémentaires au travers d’un fichier XML avec la protocole GDSN peut être suffisant pour quelques cas d’usage mais certaines informations gagneraient à être lisibles directement dans le code lui-même. La transition pour embarquer plus d’informations et connecter le produit va se faire en douceur. Par exemples, les informations complémentaires pourront être le cas de la DLC (date limite de consommation) voire du numéro de lot pour faciliter les campagnes de rappels. L’évolution naturelle du code-barres actuel est donc le QRcode. Xavier Barras indique : « selon sa taille, on ne parle plus de 13 chiffres mais plutôt de centaines de caractères et on peut prévoir une lecture contextuelle. »

L’URI (Uniform Resource Identifier) lisible dans le QRcode peut ainsi être vu comme un code EAN par un système de caisse, une URL par un smartphone, etc. « On peut associer au QRcode beaucoup plus de services » se réjouit Xavier Barras. Le QRcode est d’ores et déjà standardisé par GS1 et son déploiement est en cours, la généralisation pour le passage en caisse étant prévu pour 2027-2028. Plusieurs entreprises en utilisent déjà la richesse pour associer des fiches produits ou des guides d’usage voire des services connexes. Enfin, le QRcode va permettre de dépasser les limitations du code-barres pour traiter de manière standardisée le vrac et l’ensemble du cycle de vie des produits comme des emballages.

Les DSI face à des défis considérables pour les années à venir

Le QRcode Augmenté GS1 va donc permettre, grâce à la richesse d’informations incluse, de relever les défis de la traçabilité et de la réutilisation. Le développement du vrac en grande distribution, rendu nécessaire pour réduire les emballages, passera par une transformation des données associées aux produits afin de permettre un passage en caisse rapide avec gestion simultanée des stocks. GS1 va également devoir relever d’autres défis. L’un des plus complexes sera sans doute la qualité de la donnée. « La description des produits sur les places de marché ne sont parfois pas très fiables » soupire Xavier Barras.

La législation européenne va également donner un peu de travail à GS1, en particulier le futur « passeport numérique du produit » en cours de définition. Pour l’heure, le premier cas d’usage prévu est celui des batteries. L’objectif est de transmettre toutes les données nécessaires pour clairement définir la composition du produit et les modalités de sa fin de vie. Xavier Barras relève : « il va falloir définir le modèle de données ».

La standardisation des informations nécessaires au calcul de l’empreinte environnementale est actuellement un vrai sujet : l’empreinte environnementale comprend en effet la somme des empreintes environnementales de tous les composants et processus amonts et la fiabilité du calcul suppose une fiabilité de tous les calculs amonts. Pour Cédric Lecolley, « le monde de l’économie circulaire ne se fera pas sans la data, indispensable pour objectiver la démarche. Il sera nécessaire de pouvoir tracer, mesurer, prouver les informations sur les produits selon des règles communes à tous. La DSI sera au coeur de ce processus stratégique de traitement de la donnée, avec d’éventuelles sanctions financières considérables frappant l’entreprise en cas de manquements. La pression sur les DSI et leur visibilité vont donc être de plus en plus importantes. »


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