Tribune - Femme et numérique : choisir par passion, non par nécessité
Grandir entre deux cultures m’a transmis une conviction profonde : la passion doit guider nos choix, bien plus que les impératifs sociaux ou économiques. Ingénieure en Big Data, engagée dans la transformation numérique et la valorisation des données, je milite pour une tech plus humaine, accessible et transparente. Je souhaite inciter les jeunes femmes à rejoindre la tech, non par contrainte, mais par passion et désir d’impact.
Cette tribune fait partie d’une série de prises de paroles de femmes de la Tech.

Je suis française d’origine vietnamienne, et depuis mon enfance, j’ai eu le privilège de grandir à la croisée de deux cultures. Mon héritage vietnamien m’a transmis des valeurs fondamentales : la force du travail, le respect de l’effort, l’humilité face aux opportunités et surtout une profonde reconnaissance envers l’éducation, clé essentielle pour s’ouvrir au monde.
Ces racines m’ont donné la force d’avancer, la persévérance d’apprendre, l’envie de toujours regarder plus loin que l’horizon immédiat.
Mais elles m’ont aussi appris une leçon précieuse : choisir une voie professionnelle ne doit pas être dicté uniquement par la nécessité sociale ou économique. Il doit naître d’une passion sincère.
Car au-delà des symboles, c’est notre passion, notre curiosité et notre engagement qui feront véritablement bouger les lignes.
Cette passion est ce qui me motive au quotidien, nourrie par mon amour du challenge et de l’innovation.
Ingénieure en Big Data, je me suis lancée dans l’aventure avec l’envie d’apporter des solutions simples et pragmatiques à un monde parfois complexe, froid et intimidant.
Mon entrée dans le monde du numérique commence à Ho Chi Minh en 2016, et se poursuit par un retour à Paris en 2018 chez Solocal, qui n’a pas été simplement un choix de carrière, mais une véritable vocation : celle de faire la différence dans une French Tech prometteuse.
Avant de rejoindre Kering en 2021, j’ai eu l’opportunité d’accompagner de grandes entreprises comme Carrefour, Danone, et Sephora dans leur transformation digitale, en pleine période de « move to cloud » au sein d’un cabinet de conseil spécialisé dans le cloud et la data.
Ce fut un moment décisif qui m’a permis de découvrir ma passion pour les métadonnées et de comprendre l’importance de les exploiter pleinement. Un intérêt qui s’était déjà enraciné quelques années plus tôt. En effet, pendant mes études, je luttais contre l’avalanche des sources multiples d’informations dispersées. J’ai commencé à imaginer une solution pour faciliter l’accès à la connaissance en utilisant les ontologies en proposant un moteur de recherche intelligent destiné aux étudiants.
Cette intuition m’a suivie, mûrie et guidée : démocratiser l’accès à l’information, rendre visible ce qui est invisible et transformer la donnée brute en connaissance actionnable.
C’est cette mission que j’embrasse aujourd’hui chez Kering : rendre intelligible toute la donnée que nous créons, transformer un océan d’informations complexes en ressources compréhensibles et utiles pour tous. Favoriser la data adoption, l’acculturation et le changement m’anime véritablement. Je suis convaincue que l’avenir de la tech ne repose pas uniquement sur la technologie elle-même, mais sur notre capacité à l’humaniser, à la rendre accessible et à la mettre au service du plus grand nombre. Oui, mon leitmotiv : faire parler la donnée.
Je veux insuffler de la vie dans ces informations, créer des connexions entre les personnes, faire émerger des communautés et montrer que comprendre son système d’information et maîtriser son écosystème de données sont essentiels pour bâtir une gouvernance des données efficace et humaine.
Aujourd’hui, je suis encouragée par les avancées fulgurantes du monde de la data. Jamais la data n’a été aussi personnifiée. L’IA générative en est un exemple. Cependant pour créer de bons modèles, il est essentiel de comprendre le contexte de la donnée et bien la documenter, confirmant ainsi l’intuition que la bonne connaissance des données est cruciale pour garantir des résultats fiables.
Le prompting et la restitution de réponses en langage naturel aux questions des utilisateurs connaissent un essor considérable, notamment avec la démocratisation de modèles comme ChatGPT, Gimini, Claude, Mistral. Cette évolution est en grande partie due à la montée en puissance des capacités de traitement du langage naturel et à la manière dont ces technologies permettent d’exploiter les données non structurées et les métadonnées pour offrir des réponses contextuellement efficaces.
Pour conclure, cette réalité renforce ma conviction : plus que jamais, nous avons besoin de talents passionnées, compétentes et engagées pour bâtir l’avenir du numérique. Selon l’Insee (2023), les femmes occupent seulement 24 % des emplois du numérique, souvent dans des rôles liés à la communication (27 %), mais restent minoritaires dans les métiers techniques : 36 % en informatique et systèmes d’information, et seulement 3 % dans les télécoms (source : INSEE).
Ainsi, oui, il faut continuer à rendre visible les femmes dans la tech. Oui, il faut briser les barrières encore présentes. Mais il faut surtout transmettre la beauté intrinsèque de ces métiers à tous :la joie de résoudre un problème complexe, la fierté de voir son idée devenir une solution utilisée par des milliers de personnes…
Quand bien même la tech ne serait pas une vocation immédiate, la confiance en soi reste la clé : c’est en apprenant, en persévérant et en célébrant chaque petit succès que l’intérêt grandit, que la passion peut naître, et que l’ambition de faire la différence s’enracine.
Enfin, être une femme dans ce monde est une opportunité incroyable, non pas pour cocher une case dans un rapport de diversité, mais pour incarner pleinement une vision, pour inventer de nouveaux usages et l’envie d’apporter sa pierre à l’édifice.
Je rêve d’un monde où les jeunes femmes choisiront une carrière dans la tech avec la même évidence qu’un artiste choisit la peinture, qu’un écrivain choisit les mots. Un monde où leur choix sera guidé non par la pression ou la revanche sociale, mais par la passion et la créativité.
Alors à toutes celles qui hésitent encore : la tech n’attend pas votre validation. Elle attend votre passion.